Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Archives de Catégorie: Décryptages

Burkina Faso : Fin de parcours pour Blaise Compaoré

Blaise Compaoré avait choisi de déclarer la guerre à une partie de son peuple. A ceux qui, nombreux – la majorité des Burkinabé –, le mettaient en garde depuis plusieurs mois contre la tentation d’une présidence à vie, par le biais d’une modification de la Constitution. Nombreux furent aussi, ceux de ses « amis » qui, ayant été «consultés » avaient déconseillé à « l’homme fort » du Burkina Faso de franchir le Rubicon. Ce qu’il avait déjà osé par le passé n’était pas forcément reproductible. « Les temps ont changé, les populations sont plus averties qu’autrefois… », lui avaient avancé plusieurs personnes qu’il avait tenté de rallier à sa cause. De plus, cela faisait un moment, depuis la fin de la présidence de Jacques Chirac en France, que le dirigeant du Burkina Faso savait que la donne était en train de changer entre lui et ses protecteurs français. Peut-être même était-il devenu moins « nécessaire » pour Paris depuis l’accession au pouvoir de François Hollande avec lequel il entretenait des rapports purement formels, exempts de cette suspecte intimité dont il se vantait autrefois avec son « cher Jacques »… Mais Compaoré s’est, jusqu’au bout, refusé à se mettre au diapason des temps actuels.

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Ukraine : Danse avec Poutine…

Vladimir Poutine 4Le 5 mars dernier, le Parlement de Crimée, jugé illégal par Kiev, a voté le rattachement de la province à la Russie. La partition de l’Ukraine est de fait, consommée. Après plusieurs jours d’une ronde diplomatique aussi vaine que pathétique, les Occidentaux tétanisés et démunis d’arguments décisifs, en sont réduits à rechercher la meilleure manière de « sortir par le haut » d’une crise où l’homme fort de Moscou, Vladimir Poutine, n’a cessé d’imposer son jeu, en sachant, à chaque instant, éviter ou contourner l’erreur fatale. Y compris en recourant au mensonge le plus spectaculaire, lorsqu’il affirme, sans sourciller et sans rire, devant un parterre de journalistes, qu’aucun soldat russe n’était présent en Crimée, au moment même où ses troupes, chargées de sonner la fin de la récréation en Ukraine, encerclaient les casernes, transformant les militaires ukrainiens en prisonniers sur le propre territoire… On peut s’étonner que le dirigeant russe use de cette forme archaïque de communication et de manipulation des opinions à une époque marquée par la vitesse de l’information, et où tout se sait et se voit en temps réel à travers la planète. Mais l’on sait que même les anachronismes de Poutine peuvent se révéler d’une redoutable efficacité.

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Notes – Partition de l’Ukraine et « chaos maîtrisé »…

A quoi ressemble le champ des relations internationales, deux semaines après le début de l’instauration de l’ordre militaire russe en Crimée, sur le territoire souverain de l’Ukraine ? A un champ de ruines. Les derniers événements en Ukraine viennent de pulvériser le maigre reliquat d’illusions qui subsistait encore chez les plus optimistes, sur la vitalité des règles et conventions présidant à l’ordonnancement de la politique internationale, et, disons-le, d’un « ordre mondial » compris de tous. Le monde multipolaire, prôné par Barack Obama et abondamment applaudi dans les cénacles de la diplomatie mondiale se manifeste dans sa cinglante réalité : un désordre des visions et des interprétations du monde, invariablement alimenté par le choc des intérêts, et l’orchestration, par les plus puissants, de ce qu’on désigne comme un « chaos maîtrisé ». Dans ce nouveau désordre, marqué par la compétition et l’affirmation du bon droit des uns et des autres, les « petites » nations se retrouvent, pire qu’à l’époque de la guerre froide, exposées à une menace nouvelle. L’intangibilité et l’inviolabilité des frontières, longtemps considérée comme un sacro-saint principe de l’organisation du monde, deviennent, peu à peu des données précaire et, par conséquent, négociables dans le jeu des relations internationales… Ainsi, depuis les années 90, dans plusieurs pays « fragiles », la perte ou l’absence de contrôle et d’autorité des pouvoirs publics sur des pans entiers de leurs territoires, a été, imperceptiblement banalisée et considérée comme une donnée tolérable dans l’ordonnancement de la politique internationale.

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Centrafrique : L’empire du crime

Une centaine de personnes tuées en huit jours. Nouvelle variante dans le spectacle du crime ordinaire à Bangui : le lynchage de musulmans. En une semaine, des milliers de Tchadiens ont choisi de s’en aller vers le Tchad qu’ils connaissent à peine, ayant depuis des lustres trouvé en Centrafrique un lieu de résidence – beaucoup y sont nés – où rien, jusqu’ici, ne les distinguait des autres. Samedi 8 février, dans un quartier de Bangui, après le meurtre par un musulman d’une femme chrétienne, l’auteur du crime fut à son tour capturé puis tué. Ses assassins choisirent ensuite de mettre le feu au cadavre devant la mairie de la ville où Mme Hyacinthe Wodobodé venait de prendre ses fonctions, succédant à ce poste à Catherine Samba-Panza, la présidente de transition. Cette escalade meurtrière se poursuivit avec la mort d’un autre musulman. Au moment où il allait jeter sa victime dans un brasier, le tueur fut abattu par des soldats rwandais de la Misca. La foule présente désigna aussitôt ces éléments de la Force africaine comme des ennemis des chrétiens. Au cris de « A mort les Rwandais, les Rwandais sont tous des musulmans », la foule décide alors d’en découdre avec tous les Rwandais…

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Bénin : Le problème Boni Yayi

benin-boni-yayiL’année dernière, nous avions relevé, ici, l’inquiétante dégradation de la situation politique et sociale au Bénin. Au cœur de l’actualité béninoise, la défiance grandissante de l’opinion envers le chef de l’Etat dont les actes sont devenus, au fil du temps, indéchiffrables pour le commun, provoquant mille interrogations et suscitant la préoccupation et, aujourd’hui, un sentiment de rejet de plus en plus marqué de la part de ses concitoyens. A quelque deux ans de la fin du mandat du président béninois, l’on assiste dans ce pays à la multiplication de facteurs constitutifs d’une crise politique d’un genre inédit. Comment en effet comprendre qu’en dépit du bon sens, le dirigeant d’un pays décide de produire, ex nihilo, un conflit entre sa personne et ses concitoyens, y compris au moyen d’arguments puisés dans le bréviaire éculé des autoritarismes obsolètes, en total décalage avec la réalité historique et sociologique de son pays ? Pour les Béninois, une question demeure sans réponse : quels sont donc les véritables desseins du président Thomas Boni Yayi dont les actes confinent désormais au délire et aux pires extravagances ? Pour saisir la portée de cette interrogation qui hante la société béninoise, nous reproduisons ici, avantageusement, un texte publié par notre très estimable confrère Maurice Chabi, observateur particulièrement avisé, témoin des évolutions de l’histoire politique du Bénin depuis quatre décennies… Un texte édifiant et très éclairant sur les tenants de l’étrange malaise béninois à l’heure actuelle, et sur ce chef de l’Etat qui, comme l’écrit Maurice Chabi « ne peut entendre, encore moins comprendre un peuple béninois avec qui il parle certes la même langue, mais pas le même langage ». Un signal d’alerte que nous relayons, nécessairement. Bonne lecture.
Francis Laloupo

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Soudan du Sud – Le monstre caché de la communauté internationale

Ce nouvel Etat né de la volonté de la communauté internationale, y compris celle de l’Union africaine, n’a pas connu un seul jour d’apaisement depuis la proclamation officielle de son indépendance en juillet 2011. Après la poursuite d’un conflit aux motifs divers avec son voisin du Nord, c’est à l’intérieur même du pays que l’on assiste depuis quelques jours à la structuration d’une crise qui prend les allures d’une redoutable fabrique de guerre civile. Une crise née de rivalités politiques, alimentée par des antagonismes ethniques, faute d’arguments et de repères politiques éprouvés dans ce qui s’apparente à un ectoplasme d’Etat. Forcément, la situation qui prévaut actuellement à Juba, capitale du Soudan du Sud, amène à se demander si la communauté internationale, mue par la nécessité de résoudre un interminable conflit au Soudan, n’a pas, en lieu et place d’un nouvel Etat africain, créé un nouveau monstre politique.

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