Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Archives Mensuelles: mai 2009

Pathologies démocratiques

Lundi 25 mai, un sondage réalisé par le très fiable <i>Afrobaromètre</i> nous apprend que le désir de démocratie est en progression en Afrique, mais que seuls 45% d’Africains expriment leur attachement à ce modèle de société. Ce qui signifie que près de 55% des sondés s’en défient. La route est donc encore longue pour « déconstruire » l’être africain traumatisé par l’imprégnation de la culture des partis uniques. Tels des victimes du syndrome de Stockholm, nombre d’Africains expriment leur nostalgie de « l’ancien temps », d’un « ordre » révolu.

De la même manière que l’on peut rencontrer, du nord au sud du continent, des nostalgiques des temps coloniaux, de ce « bon vieux temps » où les travaux forcés et les humiliations infligées aux indigènes étaient des composantes ordinaires de l’ordre colonial. En cela, ces Africains ne sont pas différents des autres humanoïdes présents sous d’autres latitudes. Humilié, méprisé, spolié, l’homme peut finir par s’habituer à sa propre horreur. Enfermé dans la prison des autoritarismes, il en vient à éprouver quelque fascination pour son geôlier et la force brute, au point de ressentir, au creux de cette misère, une manière de « protection ».
L’on entend, depuis la fin des années 80 – le crépuscule des partis uniques -, des débats « intellectuels » qui mettent en doute les vertus de la démocratie. A tous ceux qui sont atteints de ce scepticisme pathologique à l’égard de la démocratie, on se contenterait simplement de leur rappeler que ce système, fruit de l’intelligence humaine, demeure l’expression suprême – à l’exception de toutes les autres, dit-on – de la liberté, disponible pour la communauté des nations. Exigence élémentaire des libertés individuelles et collectives. Loin d’être une potion miraculeuse, elle est une œuvre commune, astreignante, jamais achevée. Demander aux êtres, au travers de débats et autres sondages, s’il leur convient d’aspirer à la liberté, à l’égalité des droits et devoirs, relève d’une forme d’égarement de l’esprit. Se prêter à toute manifestation de scepticisme à l’égard de cette précieuse aspiration confine tout autant à l’aberration et à l’extravagance.

(26 mai 2009)

Médias et préjugés

Dimanche 17 mai, sur le site d’accueil du serveur Internet Orange (premier site français), l’information est à la Une : des agents de la police ont été agressés à la Courneuve (banlieue parisienne) par un groupe lourdement armé… L’affaire a de quoi inquiéter, en effet. Mais tout aussi inquiétant, c’est l’image qui accompagne cet article : l’on y voit des silhouettes noires, passablement excitées, juchées sur des 4×4 et agitant des kalachnikovs, dans un nuage de poussière. Cette photo est sensée représenter l’agression à la Courneuve des forces de l’ordre par une bande de « jeunes ». Sauf qu’à y voir de plus près…

…Les silhouettes noires en question sont celles de… rebelles tchadiens dans leur pays actuellement en état de guerre. Il aura fallu attendre le début de l’après-midi pour que les gestionnaires du site retirent cette photo du site, suite aux protestations de certains internautes. Cet « égarement » en rappelle un autre : la diffusion en février dernier, sur les chaînes Canal + et I Télé d’un « reportage » sur des manifestations de grévistes en Guadeloupe, avec des images de manifestants malgaches dans la ville d’Antanarivo. Si l’on exclut la manipulation, et toute forme d’arrière-pensée – une image de nègre en vaut une autre / les bandes armées de la Courneuve sont tous des Noirs – l’on peut penser que ces « bévues » médiatiques à répétition constituent, à tout le moins, de sinistres manifestations de préjugés persistants et lourds de conséquences. Il faut relever ces dangereux signaux en tout lieu, et les dénoncer en tout temps.

(19 mai 2009)

Grippe politique

Passant outre l’avis de l’Organisation mondiale de la santé animale, les autorités égyptiennes ont donc décidé, dès le 30 avril, l’abattage de 250 000 porcs. Alors que l’OMS a confirmé que la fameuse « grippe porcine » devenue « grippe mexicaine », puis « grippe A/H1N1 », se transmet exclusivement entre humains, on comprend mal que le pouvoir égyptien ait continué de désigner les porcs élevés sur son sol par une communauté chrétienne – 8% de la population – comme les vecteurs de la maladie. Raison officielle invoquée : mettre fin à l’élevage sauvage et combattre l’insalubrité qui s’y trouve liée.

Mais les ressorts de la démarche sont autrement plus politiques : calmer les humeurs déchaînées de musulmans qui estiment que la viande de porc est impure, et aussi donner des gages à un islamisme insidieux – les Frères musulmans – devenu un sérieux concurrent politique. Selon certains responsables, la destruction des porcs permettrait d’endiguer des tensions relayées par la télévision nationale où l’on voit des « débatteurs » particulièrement énervés accuser l’Etat d’être plus prompt à abattre la volaille en cas de grippe aviaire que les porcs attentatoires à la foi musulmane. Mieux, il s’agirait d’une « mesure de sécurité publique » visant à protéger les Chrétiens contre le risque de pogroms, dès lors qu’ils seraient considérés comme les porteurs de cette grippe… qui n’est pourtant plus « porcine ». En tout cas, cette pandémie potentielle semble servir d’aubaine au pouvoir égyptien qui choisit de conforter ainsi son territoire face aux fous-furieux de la foi religieuse et autres obscurs psychopathes. Dans ce contexte, cette mesure gouvernementale, aussi inquiétante que lamentable, amène à s’interroger sur la nature et le socle doctrinal de l’Etat.

(4 mai 2009)