Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Archives de Tag: Economie

Suicides collectifs

On connaissait le suicide collectif, mystérieux et saisonnier des baleines. On connaissait aussi le suicide collectif des sectes millénaristes (Temple solaire, Temple du peuple de Jim Jones etc.). Voici venue l’ère du suicide en cascade, nouveau protocole de contestation désespérée des employés de la firme française France Telecom.

Plus de 20 suicides en l’espace d’un an. Motif : stress avancé et désespérance extrême. La faute, dit-on, à une nouvelle culture de gestion de cette entreprise où les « managers », obsédés par les objectifs de résultats, se sont mués en tortionnaires patentés. Au nom d’un prétendu « nouveau concept managérial », les employés sont devenus les pièces désincarnées d’un sinistre Monopoly, ou les jetons d’un casino voué aux règles de la finance et de la rentabilité frénétique.
Symptôme d’une époque malade du profit et de la course au résultat, ce phénomène qui se produit en France, intervient dans un climat d’échec des politiques face à une demande sociale particulièrement aigüe. Morosité, angoisse et résignation sont devenues le lot de la majorité des citoyens français, souvent épuisés et impuissants face à une conjoncture devenue illisible et brouillée. Dans cette ambiance, les suicides à France Telecom suscitent, tout au plus, un soupir collectif. Comme si ces réactions extrêmes à une forme de désespérance propre aux temps actuels, s’inscrivaient « naturellement » dans la logique d’un système qui déploie et impose inexorablement son autorité.
Un système où le travail effectué par l’homme n’est plus une valeur cardinale de la société, mais simplement le fragment indéfiniment remplaçable d’une partition qui le dépasse et dans laquelle l’action et le sentiment humain – l’être de chair et de sang – ne sont plus que superfétatoires. Combien faudra-t-il de suicides encore à France Télécom avant que la foule, enfin sortie de cette torpeur systémique, ne se précipite dans les rues pour hurler, encore et encore qu’un autre monde est possible ? Mais les maîtres du monde, ceux qui, juchés sur les miradors des entreprises, placent et déplacent, montent et démontent les hommes et les femmes au nom du résultat, ont déjà pris le contrôle les rues, et inoculé dans les têtes leur terrible sentence : voie sans issue.

(30 septembre 2009)

Crise et révolution

Le 17 mars dernier, pas moins de huit chefs d’Etat de pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) étaient présents à Ouagadougou pour exprimer leur vive inquiétude face à la crise financière mondiale. Par-delà l’expression des inquiétudes, cette crise qui pulvérise toutes les certitudes brandies depuis deux décennies sous le sceau du libéralisme économique est pourtant une bonne nouvelle pour l’Afrique.

Face au désarroi des pays du Nord, l’Afrique devrait mettre à profit cette « faille historique » pour établir le bilan des politiques menées, souvent aux dépens des réalités souveraines, redéfinir les conditions d’un développement durable, s’atteler à inventer de nouvelles formes de gestion économique en mesure de rompre avec la funeste équation de l’aide, et faire émerger des mécanismes pour une véritable mobilisation des énergies endogènes. La crise libère, mécaniquement, de nouvelles voies du possible pour les pays du Sud, et l’exemple vénézuélien démontre à souhait la capacité du politique à influer sur le sort d’une nation en s’émancipant de la fatalité des pensées uniques, fussent-elles « mondialistes ». En associant une révolution économique à la réaffirmation d’un système politique servant de socle et de garantie pérenne au développement, les dirigeants africains sauront-ils saisir cette opportunité historique ?

(23 mars 2009)