Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Archives de Tag: Religion

Misère sorcière

L’exploitation de la misère est devenue l’une des valeurs sûres de notre époque, pour ceux qui savent travailler dur à sa pérennisation. Ainsi a-t-on vu fleurir quantité d’organismes, de filières, de réseaux, de « projets » et autres œuvres charitables dont la prospérité n’a d’égale que l’irrésistible expansion de cette misère que tous disent combattre. C’est sur ce terreau que furent érigées les nouvelles églises évangélistes qui se multiplient à travers le continent.
Dans la seule région de l’Etat d’Akwa Ibom au sud du Nigeria, les églises sont plus nombreuses que les écoles, cliniques et banques réunies. Une pandémie spirituelle dont la nature échappe aux compétences de l’Organisation mondiale de la santé…

Au nom du sacro-saint principe de la liberté religieuse, ces entreprises à but très lucratif parées du voile trompeur de l’action spirituelle, se sont hissées au rang des grands bénéficiaires-organisateurs de la misère endémique, recrutant essentiellement leur clientèle parmi les couches les plus défavorisées de la population. Grands architectes de la manipulation des consciences, ces Docteur Folamour de l’âme instrumentalisent le désarroi des citoyens fragilisés par la démission des politiques. Jouissant d’une totale impunité, si ce n’est de la complicité des autorités publiques, nombre de ces « églises » se livrent une virulente concurrence.
Ainsi ont-elles trouvé, au sein de sociétés africaines chamboulées, l’élément référentiel de leur « puissance » comparative : la destruction des enfants dits « sorciers ». On ne compte plus les histoires d’enfants, issus de familles extrêmement pauvres, accusés de sorcellerie par des pasteurs et voués au trépas à la suite d’improbables séances d’exorcismes. Accuser des enfants de sorcellerie est devenu un moyen pour ces pasteurs autoproclamés de se faire une réputation et attirer les fidèles. Une enquête vient de révéler l’implication de plusieurs « églises » évangélistes dans ces affaires, dont la fameuse « Mount Zion Lighthouse » (Phare du mont Sion) installée au Nigéria. Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), plusieurs dizaines de milliers d’enfants ont été pris pour cible à travers le continent. Il devient plus qu’urgent de considérer ce phénomène comme l’un des fléaux majeurs de l’époque. Continuer de se taire équivaudrait à cautionner une entreprise d’assassinats massifs d’enfants. Plus encore, il est temps d’agir contre ces vulgaires criminels qui ont su détourner impunément à leur sinistre profit, aux dépens des plus faibles, les principes de la liberté de conscience.

(22 octobre 2009)

Chantage religieux

Le Mali est un pays laïc. Une république fondée sur des lois civiles. Les députés maliens ont adopté, début août, le nouveau Code de la famille et des personnes. Il était temps, car ce pays n’a jamais disposé d’un Code de la famille homogène et unique, les pratiques sociales ayant été jusqu’ici soumises aux divers contextes nationaux et aux interprétations particularistes. Mais face à la fronde du Haut conseil islamique, le président Amadou Toumani Touré a renoncé à la promulgation du nouveau Code, le renvoyant vers l’Assemblée nationale « en deuxième lecture ». Ce qui signifie en clair que l’Etat républicain vient de reculer devant le chantage et la pression des chefs religieux et de leurs adeptes qui, à coups de manifestations monstres, ont promis le texte au bûcher.

Motif de leur courroux : dans ce texte qui contient près d’un millier d’articles, les gardiens autoproclamés du culte musulman n’apprécient guère ceux qui accordent des droits nouveaux et somme toute élémentaires aux femmes et à leurs enfants au sein de la société. Une fois de plus, c’est la promotion légitime de la femme au sein d’une société à majorité musulmane qui provoque l’urticaire chez les religieux et met le feu aux poudres. Inutile de préciser que c’est la gent masculine qui proteste contre ce nouveau Code de la famille…<br />
Qui aurait pu imaginer, il y a quelques siècles, qu’après avoir été convertis par la force au culte musulman, des Africains, au Mali, comme au Nigeria, deviendraient les plus farouches défenseurs de l’interprétation la plus obscurantiste et intolérante d’une religion aujourd’hui livrée à toutes formes d’instrumentalisation ? Anathématisé, ce nouveau Code de la famille malienne, qui aurait dû constituer une avancée majeure dans ce pays, sera donc soumis à de ténébreuses négociations entre élus républicains et manipulateurs de l’intemporel. Ce recul du laïc face aux assauts des fondamentalistes religieux implique une altération de l’espace républicain, seul garant des droits collectifs. La « deuxième lecture » du Code la famille préconisée par le chef de l’Etat ne servira pas, contrairement au souhait de ce dernier, à « préserver la paix sociale ». En réalité, le texte qui résultera de ce « compromis » consacrera l’emprise du religieux sur la société, et une cohabitation non dite entre le pouvoir politique et l’influence du religieux. On peut, à tout le moins, s’en inquiéter.

(28 août 2009)

Grippe politique

Passant outre l’avis de l’Organisation mondiale de la santé animale, les autorités égyptiennes ont donc décidé, dès le 30 avril, l’abattage de 250 000 porcs. Alors que l’OMS a confirmé que la fameuse « grippe porcine » devenue « grippe mexicaine », puis « grippe A/H1N1 », se transmet exclusivement entre humains, on comprend mal que le pouvoir égyptien ait continué de désigner les porcs élevés sur son sol par une communauté chrétienne – 8% de la population – comme les vecteurs de la maladie. Raison officielle invoquée : mettre fin à l’élevage sauvage et combattre l’insalubrité qui s’y trouve liée.

Mais les ressorts de la démarche sont autrement plus politiques : calmer les humeurs déchaînées de musulmans qui estiment que la viande de porc est impure, et aussi donner des gages à un islamisme insidieux – les Frères musulmans – devenu un sérieux concurrent politique. Selon certains responsables, la destruction des porcs permettrait d’endiguer des tensions relayées par la télévision nationale où l’on voit des « débatteurs » particulièrement énervés accuser l’Etat d’être plus prompt à abattre la volaille en cas de grippe aviaire que les porcs attentatoires à la foi musulmane. Mieux, il s’agirait d’une « mesure de sécurité publique » visant à protéger les Chrétiens contre le risque de pogroms, dès lors qu’ils seraient considérés comme les porteurs de cette grippe… qui n’est pourtant plus « porcine ». En tout cas, cette pandémie potentielle semble servir d’aubaine au pouvoir égyptien qui choisit de conforter ainsi son territoire face aux fous-furieux de la foi religieuse et autres obscurs psychopathes. Dans ce contexte, cette mesure gouvernementale, aussi inquiétante que lamentable, amène à s’interroger sur la nature et le socle doctrinal de l’Etat.

(4 mai 2009)

Afrique chrétienne

A l’heure de la prolifération des sectes évangélistes et autres «églises du réveil» en Afrique, et alors que l’on déplore en Europe une baisse irrépressible de la fréquentation des paroisses, le voyage du pape en terre africaine – Cameroun et Angola, semaine du 23 mars – s’apparente à celle d’un VRP (voyageur représentant placier), sur un continent qui compte encore un précieux vivier d’adeptes.

Mais pourrait-on faire sérieusement le bilan de la vie chrétienne sur ce continent sans aborder le débat de la place du clergé africain dans la hiérarchie de l’Eglise romaine ? A cet égard, le livre de Serge Bilé (Et si Dieu n’aimait pas les Noirs – Enquête sur le racisme aujourd’hui au Vatican) vient jeter une lumière terrible sur le sort quotidien des Noirs au Vatican. L’église catholique, pour consolider sa part de « marché de la foi » en Afrique ne saurait considérer indéfiniment l’Afrique comme un simple fournisseur de troupes sans jamais l’associer pleinement au haut commandement au sein du Vatican, ce gouvernement suprême de l’Eglise catholique.

(18 mars 2009)