Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

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Identité française

Le gouvernement français vient donc de lancer un « débat national » sur l’identité française ! A croire que cette identité est devenue tellement floue, volatile… qu’il faut d’urgence en redéfinir les contours et le contenu. Mieux la protéger contre tous les assauts mauvais. Et quelle serait cette menace fantôme ? L’immigration, bien sûr.

Même si Eric Besson, le ministre de l’immigration et de l’identité nationale, use désespérément de mille contorsions verbales pour dissocier ces deux termes. Véritable kermesse de l’inutile, l’initiative du ministre débouchera, tout au plus sur… un discours. Qui rappellera les vertus de la République et de l’inaltérable « francitude ». L’on pense forcément aux heures de gloire du sinistre Front national, lorsque son président, Jean-Marie Le Pen, mettait en garde le peuple français contre ces « hordes d’immigrés venus du Sahara pour nous coloniser et engrosser nos filles ». La lepénisation rampante des esprits a rendu « légitime » la prise en compte par une droite républicaine du corps étranger attentatoire à l’identité française.
Vu d’ailleurs, l’affaire prête à sourire. La France, ex-nation colonisatrice et exportatrice de sa culture, serait donc aujourd’hui, le seul pays de la planète dont l’identité serait exposée au péril ? Dans cette France qui produit ses propres peurs, comment distinguer, dans ce « débat », le fantasme assimilationniste – et la nostalgie d’un improbable modèle dominant – de la nécessité de lutter contre les ségrégations ? Comment séparer les arrière-pensées politiciennes de la juste promotion de la nation, et de l’adhésion aux valeurs de cette République ? Sans compter que les plus menacés quotidiennement en France sont ceux-là mêmes qui, tout en étant français, ne sont pas reconnus comme tels, du fait de la couleur de leur peau ou de l’origine de leur patronyme… On peut se demander à quelles fins des intelligences se mobilisent au sommet de l’Etat pour un sujet qui ne constitue pas une priorité, eu égard aux mille difficultés qui taraudent le pays.
A-t-on besoin d’une telle publicité pour, si besoin est, rappeler et fortifier ce qui a toujours constitué le socle et la dynamique des identités collectives, à savoir des valeurs partagées dans la diversité ? On appelle cela une nation. Dans toutes les régions de l’Hexagone, cette diversité nationale, aussi vivante qu’insondable, relève de l’évidence, et ne saurait, ici comme ailleurs, être soumise à la démonstration, et moins encore à une police ou un certificat de conformité.

(4 novembre 2009)

Obsessions françaises

C’est le genre d’ « affaire » qui ne fait plus la une des journaux français. Qui ne trouve plus place dans les journaux télévisés devenus aseptisés et minimalistes, quand ils ne se transforment pas en caisses de résonance de la pensée gouvernementale. Le genre d’affaire que la France d’Eric Besson (actuel ministre de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale) refoule quasiment au domaine du « secret défense ». Le côté obscur du gouvernement, constituant un indice majeur du système qui préside actuellement aux destinées de la France.

L’histoire s’est déroulée, début août, dans une agence parisienne de la banque LCL (ex Crédit Lyonnais). Un client, d’origine étrangère, est convoqué pour le retrait de sa carte bancaire. Jusque là, tout va bien. Mais, au lieu d’être accueilli par un agent de l’établissement financier, l’homme se retrouve encerclé par un comité d’accueil tout à fait inattendu : des agents de police. Qui lui demandent ses papiers sous le regard éberlué des autres clients, inquiets de s’être peut-être trompé d’endroit. En clair, cet homme, en attente de ses documents de séjour, avait été simplement dénoncé par la banque ainsi transformée en auxiliaire volontaire et bénévole de la police. Ambiance d’en France ! Les établissements privés sont-ils en train de se muer en organes de délation d’une police vouée à la traque des sans-papiers ? Il est vrai qu’au « pays des droits de l’homme », les choses ont pris un sens mauvais depuis que l’Etat encourage les citoyens à dénoncer leurs voisins sans-papiers ; depuis que l’on embastille les personnes soupçonnées d’apporter de l’aide – élémentaire – aux immigrés sans-papiers ; depuis que la délation a été hissée au rang des vertus républicaines par les ministres de l’immigration déterminés à envoyer des « signaux » à un électorat obsédé par le « fléau immigrationniste ». Il n’est plus surprenant de voir débarquer des escouades de flics dans des sous-préfectures pour embarquer des immigrés venus régulariser leur situation, et qui se trouvent ainsi piégés après avoir été dénoncés – « indiqués » – par des fonctionnaires zélés investis depuis quelque temps d’un pouvoir nauséabond qu’ils exercent avec une sinistre jubilation. Quelque chose de mal dans la maison France…

(3 septembre 2009)