Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Archives de Tag: Coup d’Etat

Mali : Agenda critique franco-africain

Face à la crise multidimensionnelle à laquelle se trouve confronté le Mali, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a opté pour un protocole de résolution en deux temps : d’abord, la restauration de l’ordre constitutionnel, puis, la mise en œuvre des moyens, y compris militaires, pour le rétablissement de l’intégrité territoriale du pays. Pour contraindre la junte qui s’est emparé du pouvoir le 4 mars dernier à le rendre à un exécutif civil intérimaire chargé de la gestion d’une période de transition conduite par le Président du Parlement, Diouncounda Traoré, la Cedeao aura imposé un embargo dont les effets furent immédiatement et durement ressentis par les habitants de ce pays enclavé, essentiellement dépendant de ses voisins, en ce qui concerne l’importation et l’exportation des biens de première nécessité. Un embargo que certains acteurs politiques maliens ont qualifié de « criminel ». N’empêche, moins de 72 heures après l’entrée en vigueur de l’embargo, la junte a accepté de se soumettre à la signature d’un accord-cadre, mettant fin à son aventure. Dans la foulée, le 8 avril, la démission du président Amadou Toumani Touré, défait par le coup d’Etat, confirmait, selon les principes constitutionnels, la vacance du pouvoir, et conséquemment, le début d’une période de transition qui devrait déboucher, sous quarante jours, à la tenue de nouvelle élections.

Mbalax tragique à Dakar

Durant ces dernières semaines, le président Abdoulaye Wade a sillonné le pays, multiplié des discours que plus personne n’écoute, soucieux de prouver au monde que sa santé défie les lois de la nature, malgré son âge, quatre-vingt cinq ans, officiellement. Celui que nous avons qualifié dans cet espace, il a quelques semaines, de « Mugabe de l’Ouest » conclut sa carrière de politicien professionnel par une campagne électorale hors du temps et du réel. C’est le spectacle aussi surréaliste que burlesque d’un artiste convaincu de sa surhumanité. Ce qui se produit actuellement au Sénégal tient à une seule et terrible réalité : la volonté d’un homme, qui s’est toujours estimé au-dessus du commun, de démontrer jusqu’au bout de sa nuit, que la destinée de son pays est consubstantielle à la sienne. Il y a du pathétique dans cette aventure solitaire : au moment où le quasi-nonagénaire est rappelé aux outrages du temps, son regard, égaré et triste, trahit son refus obstiné de concevoir et projeter, dans son esprit confus, un Sénégal affranchi de son emprise.

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Blague russe

Qui a dit que Poutine ne riait jamais ? C’est vrai qu’à observer cet ancien agent du KGB, on avait fini par comprendre qu’il fut amputé de la rate à sa naissance. Ou que, plus probablement, le rire, cette précieuse faculté qui distingue, dans la chaîne de l’évolution, l’homme de ses ancêtres primates, avait été malencontreusement ôté de son programme génétique. Vladimir Poutine a fait de cette infirmité originelle son mystère personnel, sa marque distinctive, son arme fatale pour parcourir le long sentier vers l’ultime sommet de la puissance et du pouvoir… Et s’y maintenir indéfiniment. Voulait-il devenir le dernier tsar de Russie ? Non, bien plus que cela : le maître du monde… Sans rire… Vladimir Poutine, actuellement Premier ministre, a donc décidé, sans autre forme de procès, de redevenir président de la Russie, à l’issue d’une prochaine mascarade électorale. Une fonction qu’il a déjà occupée de 2000 à 2008, avant d’y installer son dauphin, Dmitri Medvedev qui, en récompense et toute honte bue, acceptera, comme naguère, de (re)jouer le rôle de Premier ministre. C’était prévisible, dites-vous ? Faudrait-il donc s’habituer à tolérer l’intolérable, au prétexte qu’il était « prévisible » ?

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Putsch nigérien

Ne boudons pas notre plaisir. Nous avons ici même, suffisamment condamné les dérives et la fuite en avant suicidaire du président nigérien Mamadou Tandja pour ne pas exprimer un rare sentiment de soulagement au moment où il quitte la scène politique, par la toute petite porte de l’Histoire. Bien entendu, nous aurions souhaité un épilogue différent que celui de l’intervention de l’armée, une fois de plus, dans le parcours du Niger.

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Coup d’Etat, façon Tandja

Bon, ce qu’il faut bien appeler un coup d’Etat constitutionnel est désormais consommé au Niger. Grand orfèvre de ce hold-up perpétré contre un pays et ses institutions : Monsieur Mamadou Tandja, chef de l’Etat qui, à quatre mois de la fin de son dernier mandat, a tout simplement décidé, comme un caprice, à travers un invraisemblable référendum, de demeurer au pouvoir… trois ans de plus. Et plus, si pas affinités avec l’humeur populaire.

Depuis le déclenchement du processus démocratique en Afrique, on a pu voir ici et là certains régimes rétifs à ce mouvement déployer des trésors insoupçonnés d’imagination pour détourner le cours de l’Histoire, et décourager toutes les velléités de changement de ces systèmes politiques qui ont conduit la plupart des pays du continent à la faillite.
Fraudes électorales, manipulations électroniques d’urnes, intimidations systématiques organisées à l’encontre des partis d’opposition, modifications grossières de la Loi fondamentale, détournements des règles du jeu au profit du pouvoir, et, nec plus ultra, fomentation de guerres civiles et instrumentalisation des clivages identitaires. Le chef de l’Etat nigérien, certainement entouré de « conseillers » particulièrement discrets et de diverses nationalités, vient d’innover en la matière, en ajoutant à cette sinistre liste de forfaits, un protocole inédit de détournement et de mise à mort des acquis démocratiques.
Comme toutes les autres atteintes précitées au processus de démocratisation – pourtant irréversible ! – en cours sur le continent, l’acte que vient de poser Mamadou Tandja n’est, ni plus ni moins, qu’un coup d’Etat, dans sa plus triviale expression. Inutile de recourir à des contorsions cérébrales pour qualifier autrement cette crise déclenchée par un homme dont le profil suscite désormais moult interrogations. Celui qui se voulait pendant plusieurs années « un homme discret » vient d’inscrire spectaculairement son nom dans les pages sombres de l’histoire de son pays. Un putschiste patenté. Sombre héros d’une sinistre entreprise aux conséquences incalculables.
Il est à craindre qu’il lui faille désormais compter avec un peuple dressé contre lui. C’est ce peuple-là, un temps méprisé et humilié, qui sera l’auteur des prochains épisodes de cette malheureuse aventure.

(19 août 2009)

Niger amer

Bon, l’opinion internationale l’aura compris : la crise politique déclenchée au Niger par le président Mamadou Tandja a dépassé les frontières d’une simple dérive pour emprunter les voies suspectes d’un funeste délire. Réagissant à la défiance de l’Assemblée nationale vis-à-vis de son projet de référendum en vue de prolonger illégalement son mandat, Tandja avait tout simplement dissout cette institution. Optant pour l’escalade, il décide de gouverner dorénavant par ordonnances et décrets.

Motif du recours à ces mesures exceptionnelles – valables essentiellement en cas de menace sur l’indépendance du pays – : « préserver les intérêts du peuple en toute circonstance ». On croit rêver, quand on sait qu’il est, lui-même, l’incarnation de toutes les menaces actuelles ! Tout en multipliant diverses manœuvres de contournement des institutions et orchestrant les actes d’intimidation à l’encontre des opposants, le président explose toutes les limites et prononce la dissolution de la Cour constitutionnelle, ultime obstacle dressé contre ses extravagances. Tandja est donc devenu un expert en dissolution. Réalisant, en cela, un record jamais connu dans les coups de force politiques. Face aux protestations qui fusent des quatre coins du monde, jusqu’où pourrait encore aller Tandja qui semble confondre le geste d’orgueil et ce qu’il considère comme « son » bon droit politique ? Après la dissolution de l’Assemblée, puis de la Cour constitutionnelle, les paris sont désormais ouverts : seul contre tous, bien déterminé à mener à terme sa dangereuse entreprise, il pourrait à présent décider de dissoudre le peuple et même… le pays.

(1er juillet 2009)