Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Burkina Faso : Fin de parcours pour Blaise Compaoré

Blaise Compaoré avait choisi de déclarer la guerre à une partie de son peuple. A ceux qui, nombreux – la majorité des Burkinabé –, le mettaient en garde depuis plusieurs mois contre la tentation d’une présidence à vie, par le biais d’une modification de la Constitution. Nombreux furent aussi, ceux de ses « amis » qui, ayant été «consultés » avaient déconseillé à « l’homme fort » du Burkina Faso de franchir le Rubicon. Ce qu’il avait déjà osé par le passé n’était pas forcément reproductible. « Les temps ont changé, les populations sont plus averties qu’autrefois… », lui avaient avancé plusieurs personnes qu’il avait tenté de rallier à sa cause. De plus, cela faisait un moment, depuis la fin de la présidence de Jacques Chirac en France, que le dirigeant du Burkina Faso savait que la donne était en train de changer entre lui et ses protecteurs français. Peut-être même était-il devenu moins « nécessaire » pour Paris depuis l’accession au pouvoir de François Hollande avec lequel il entretenait des rapports purement formels, exempts de cette suspecte intimité dont il se vantait autrefois avec son « cher Jacques »… Mais Compaoré s’est, jusqu’au bout, refusé à se mettre au diapason des temps actuels.

Nombre d’opposants à son régime que nous avons entendus ces derniers mois faisaient montre d’une détermination rare, nouvelle. Aucun d’entre eux ne doutait de la capacité de la population à résister à une confiscation du pouvoir par le clan Compaoré. La démission collective, en décembre 2013, de ses anciens compagnons qui constituaient l’ossature et le cœur de son système, aurait dû alerter le maître de Ouaga, et le convaincre davantage de renoncer à une aventure suicidaire, en s’attelant plutôt à mettre en œuvre des actions visant à l’apaisement social, dans un pays où l’exaspération à l’encontre du pouvoir n’a cessé de croître ces dernières années. Il disposait, par ailleurs, d’une année entière, avant la prochaine élection présidentielle de 2015, pour négocier au mieux son retrait du pouvoir, en engageant, avec la sincérité requise, un protocole de réconciliation avec tous ceux qui ont espéré, 27 ans durant, le voir livré aux foudres de la justice, pour solder le traumatisme provoqué par l’assassinat de Thomas Sankara, ce crime fondateur de son régime… Las, comme pris dans un engrenage qu’il a lui-même confectionné, frappé d’un autisme irréversible, Compaoré aura choisi la fuite en avant. Il aura été, par avancées aussi méthodiques qu’effarantes, l’artisan de sa propre déchéance. Le pouvoir sait souvent prendre sa revanche contre ceux qui l’ont illégitimement conquis.

Le 30 octobre dernier à Ouagadougou, les marches de protestation des jours et des mois précédents se sont graduellement transformées en mouvement de révolte, pour aboutir en une véritable insurrection populaire. Débordant les consignes des formations de l’opposition, la population a, comme l’a déclaré, un jeune burkinabé, décidé de « reprendre le pouvoir à celui qui ne le méritait plus ». C’est cette même population qui, désormais, se dit déterminée à « poursuivre la lutte » en devenant la sentinelle des jours d’après Compaoré. A quoi ressemblera alors ce pays après la démission de Compaoré aujourd’hui réfugié en Côte d’Ivoire ? Après quarante-huit heures de confusion au sein de l’armée, celle-ci a fini par désigner le lieutement-colonel Isaac Yacouba Zida comme chef d’Etat de la transition. Depuis, la population – formations politiques, société civile, diverses associations de la jeunesse- affirme son entière vigilance face à la mise en place par l’armée d’un organe transitoire devant mener à de futures élections. Pour certains analystes burkinabé, le pays devrait saisir l’occasion de cette rupture avec le régime Compaoré pour repenser tout le système institutionnel du pays, en tirant les enseignements des événements en cours, afin de produire un autre régime politique, susceptible de mettre le pays à l’abri des dérives autocratiques et des détournements, à des fins personnelles ou claniques, des principes démocratiques… Quoi qu’il en soit, la route sera longue pour les Burkinabé désireux de rompre avec la culture politique instaurée vingt-sept ans durant par le régime Compaoré. Les bâtisseurs d’un nouveau Burkina devront compter avec la persistance des pratiques du passé, et l’empreinte d’une culture politique inoculée à une population qui, dans sa grande majorité, a davantage subi que choisi ce régime…

En même temps que se déroulaient les événements de la fin de ce mois d’octobre au Burkina Faso, les regards se sont tournés vers d’autres pays où se dessine, peu ou prou, le même schéma conflictuel. En effet, depuis quelque temps, les projets de modification des Constitutions ont pris l’allure d’une épidémie dans plusieurs pays sur le continent africain. Faut-il pour autant s’attendre dans un proche avenir à « un effet Burkina » partout où des dirigeants ont engagé cette course vers l’absurde, tel une guerre contre leurs concitoyens ? Les populations concernées pourraient-elles s’inspirer de la riposte des citoyens burkinabé ? Rien n’est moins sûr, chaque pays ayant sa propre histoire, issue d’un parcours et d’une culture politiques spécifiques… Toutefois, même si les mêmes causes ne produisent pas mécaniquement les mêmes effets, les dirigeants tentés par le braquage constitutionnel seraient bien inspirés de méditer cette idée simple, à savoir que, dans l’histoire des nations, il faut toujours se garder de sous-estimer la capacité d’indignation des populations. Au commencement et à la fin de toutes les aventures nationales, le dernier mot revient, tôt ou tard, au peuple. On peut penser, sans grand risque de se tromper, que cette vérité élémentaire se manifestera de plus en plus à maints endroits, à travers le continent africain.

Francis Laloupo

3 réponses à “Burkina Faso : Fin de parcours pour Blaise Compaoré

  1. Vianney ASSANI 2 novembre 2014 à 9 h 31 min

    Magnifique analyse

  2. GARBA 2 novembre 2014 à 10 h 49 min

    Bonjour Francis,

    Votre analyse est pertinente. Il faut signaler que Blaise n’a pas bien compris ou a refusé de comprendre le changement intervenu dans les mentalités des africains en général et des bourkinabé en particulier. Pendant les 27 ans de son pouvoir sans partage il a gardé dans son esprit une mentalité des années 1987 l’empêchant de voir la réalité des bourkinabé. Il n’a pas compris que les bourkinabé et les africains en général n’ont pas besoin d’hommes forts pour les diriger mais des institutions fortes et solides permettant à toutes les forces politiques, économiques et sociales de contribuer à l’édification de nos pays. Tout dirigeant n’ayant pas compris ce message est condamné au même sort que Blaise.

  3. Bance Abdoul Hakim 2 novembre 2014 à 18 h 11 min

    one ve mm pas blaisse compaore dan notre paye

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