Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Archives de Tag: France

Zaïre, Rwanda, Bénin, Tunisie, etc.

Ces rendez-vous manqués de la diplomatie française en Afrique

Fin des années 80, un tournant, certainement en Afrique subsaharienne. Troisième époque postcoloniale, après la proclamation de l’indépendance, suivie quelques petites années plus tard de l’implication de cette partie du monde dans la Guerre froide. Dans cette troisième époque de l’histoire postcoloniale, nous avons pu observer à quel point la France, ancienne puissance coloniale, a raté, à répétition, le train de l’Histoire dans ses « zones d’influence ». Tout au long de ces vingt dernières années, elle aura fait l’affligeante démonstration d’une incapacité – impréparation ?  – à accepter les mutations en cours dans ces pays auxquels elle est restée liée. Un refus obstiné d’accompagner le cours de cette histoire sans la réduire à sa lecture propre des événements, sans la ramener à son seul champ de vision. A force, cette France officielle s’est figée au bord du chemin, regardant passer le train de l’Histoire, parfois comme un acteur occasionnel et malhabile, toujours emmurée dans son désir de «stabilité » – d’immobilisme – quitte à avancer les yeux rivés sur le rétroviseur de sa propre histoire, ou de l’idée qu’elle s’en fait…

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Sarko fever

Le président français n’est pas seulement un homme pressé. Ceux qui, au début de son mandat, le nommaient « Speedy Sarko », en sont désormais à s’inquiéter de cette fièvre étrange qui semble l’habiter. A l’Elysée, pour donner un « sens original » aux récents déplacements présidentiels, on a inventé le concept de « voyages historiques ». Las, cet expédient a très tôt volé en éclats, anéanti par le principal exécutant dont le style, le tempérament et l’humeur ne peuvent être soumis à une partition conventionnelle.

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Doute national

Ca y est : en France, le débat sur l’identité nationale, lancé le 2 novembre 2009 par le gouvernement est officiellement clos. C’est le Premier ministre François Fillon qui s’est chargé de l’annoncer la semaine dernière, avec, posté à ses côtés, Eric Besson, ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, qui a fait de ce débat une cause personnelle, avec l’aval du président Nicolas Sarkozy. On s’est demandé – et nous l’avons fait ici même -quelle mouche avait donc piqué le pouvoir qui n’avait rien trouvé de mieux pour occuper les Français, que cette question : « Qu’est-ce qu’être Français » ?

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Discrètes indépendances

L’événement têtu de l’année 2010 étant la célébration du cinquantenaire des indépendances en Afrique, singulièrement celle de 14 pays francophones, il est utile d’observer sur quels tons et sous quelles formes ces pays célébreront cette anniversaire. Le Cameroun est le premier à commémorer ce cinquantenaire, ayant accédé officiellement à la souveraineté – à « l’émancipation » – le 1e janvier 1960. Illustrant la diversité des situations qui ont conduit à la naissance des Etats postcoloniaux, l’indépendance du Cameroun ne fut pas un dîner de gala.

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Morose Kouchner

Pas facile pour un ministre de se retrouver contraint à n’exercer que le seul ministère de la parole. Naguère flamboyant et assumant « sans complexe » son ralliement à Nicolas Sarkozy, tout en « demeurant un homme de gauche » (qu’on se le dise !), Bernard Kouchner n’en finit plus d’avaler des couleuvres. Dernière déconvenue en date pour le ministre des affaires étrangères : la réconciliation surprise annoncée le 29 novembre dernier entre la France et le Rwanda…

Un rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays, orchestré par le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant. Sur la photo de famille, même pas l’ombre portée du ministre français des affaires étrangères ! Le lendemain de cette annonce, l’on a pu entendre, sur les ondes des radios de l’Hexagone, Bernard Kouchner avouer lui-même ne pas comprendre comment cette affaire avait pu être menée et conclue hors de sa présence. En somme, il aurait appris la nouvelle, comme le quidam, en écoutant la radio.
Pathétique, ravalant un morceau de son chapeau, il s’échine depuis lors à rappeler à qui veut l’entendre à quel point il s’est dépensé sans compter, à quel point il s’est impliqué dans ce dossier – lui qui fut tant « meurtri » par le génocide et son souvenir – pour qu’enfin la France renoue avec le Rwanda.
Kouchner serait donc victime d’une abominable injustice, qui vient compléter l’ahurissante série d’humiliations qu’il ne cesse de subir depuis quelques mois. Dans le dossier gabonais, l’homme s’était vu voler la vedette par l’avocat Robert Bourgi, le sulfureux « conseiller spécial » de Sarkozy ; même traitement pour les dossiers iranien et irakien où ses déclarations – ses commentaires – semblent n’engager plus que lui ; sur les écrans de télévision, nulle trace du ministre des affaires étrangères aux côtés du président Sarkozy dont l’activisme débordant se déploie en Europe, en Asie, en Amérique latine et bien plus encore… Où est donc passé Bernard Kouchner ? A chaque fois que son absence est soulignée dans la presse, il évoque les contraintes de son agenda, et ces fameuses « réunions » qui le tiennent loin de la scène internationale qui pourtant constitue, par nature, le périmètre de sa fonction…
Alors, question : combien de temps tiendra-t-il dans ce confinement aussi pénible qu’aberrant ? Combien d’humiliations pourrait encore supporter cet homme dont l’âme se trouve écartelée entre la conscience de sa dignité blessée et un attachement exacerbé aux attributs, dividendes et signes extérieurs du pouvoir ? Face à une opinion devenue indifférente à son sort, le soldat Kouchner peut-il encore se sauver lui-même ?

(3 décembre 2009)

Le corridor du pire

Il y a quelque temps, je me suis retrouvé avec l’inénarrable Eric Raoult sur un plateau de télévision pour débattre de la chasse aux étrangers opérées devant les objectifs des caméras de télévisions, juste après l’élection de Nicolas Sarkozy. J’avais à peine pris la parole que le député UMP (parti sarkozyste) tranchait sec : « Je ne vous permets pas de parler ainsi de MON pays !»…

L’invective était programmée, ciblée : en tant que Noir, je ne pouvais, selon lui, que proférer des propos hostiles contre SON pays. Interloqué par cette saillie imbécile, je mis quelques longues minutes à réaliser à quel point cet homme politique s’était dégradé, au fil de sa carrière, en s’exilant dans un « nationalisme » caricatural dressé contre le reste du monde. Objectif pathétiquement obsessionnel : exister politiquement. Une posture qui suscite, jusque dans son camp politique, raillerie et commisération.
C’est le même Raoult qui s’est indigné récemment des propos tenus par l’écrivaine Marie Ndiaye, Prix Goncourt 2009, jugeant « monstrueuse » la France de Nicolas Sarkozy… Pas tourmenté par la honte, Raoult réclame un « devoir de réserve » à cette femme à qui, dit-il, « NOUS avons donné le prix Goncourt ». Et d’enfoncer le clou en indiquant que « par comparaison, Yannick Noah et Lilian Thuram n’étaient pas allés aussi loin dans la critique de la France ». Commentaire indigné du maire de Paris, Bertrand Delanoë : « Serait-ce donc la couleur de leur peau qui inspirerait ce ‘rappel à l’ordre’? »
Cela dit, même si les sorties de Raoult relèvent du drame de la bêtise, elles s’inscrivent dans le territoire devenu fécond des fantasmes ethnico-raciaux qui polluent actuellement le climat social en France. En associant dans le même élan Marie Ndiaye, Lilian Thuram et Yannick Noah, Eric Raoult active un sous-entendu récurrent : ces Français noirs sont forcément des « Français à part ». A l’heure où le pays s’agite dans un débat sur « l’identité nationale », les propos d’un Raoult alimentent donc un subconscient embarrassé : comment être français, noir, ou arabo-musulman ? Dans un pays où des commentateurs présentent Barack Obama comme un « immigré intégré » (ce qui provoque l’hilarité des Américains), où le ministre de l’Intérieur lâche en public de douteuses plaisanteries sur les arabes, où le ministre de l’immigration annonce la chasse aux « mariages gris » et où les citoyens non Blancs sont soumis au protocole compassionnel de la « diversité »… le sieur Raoult apparaît comme l’agent subalterne d’une redoutable offensive du pire.

(24 novembre 2009)