Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Hollande, maintenant…

Le dernier texte publié sur ce blog à propos du long parcours de François Hollande vers la présidentielle remonte au mois d’octobre 2011, à l’issue des « primaires citoyennes » initiées par le Parti socialiste. Je n’hésitais pas alors, bravant parfois la sidération de mes lecteurs les plus proches, à affirmer que l’homme qui venait d’être désigné le 16 octobre 2011 à l’issue des primaires pour incarner les aspirations de nombreux Français, bien au-delà de son camp et de son identité politique, sera le prochain élu de la République française en 2012. J’avais ensuite décidé d’observer la campagne électorale, plutôt sereinement je l’avoue, inébranlablement convaincu des atouts et des ressources de cet homme dont j’observe le cheminement depuis plusieurs années. C’est vrai que j’avais déjà fait sursauter quelques-uns, et même provoqué l’hilarité de quelques autres, en confiant, il y a dix ans, à mes meilleurs amis, cette pressante intuition : l’envergure encore insoupçonnée du destin de François Hollande. Que l’on se rassure, je n’en prophétisais pas le destin présidentiel. Juste, en me fondant sur une attentive observation de l’homme, la patiente structuration d’un destin promis à une manifestation ultérieure, en « laissant le temps au temps », formule que François Mitterrand aimait à emprunter à Miguel de Cervantès.

Nous voici donc au terme de la campagne pour le premier tour de cette présidentielle française. Drôle de campagne, où tout aura été dit, car l’offre politique fut abondante et plurielle, contrairement à ce qu’affirment les esprits chagrins. Les candidats se sont dépensés sans compter pour expliquer, et expliquer encore le bien fondé de leurs candidatures, la valeur de leur programme, le chiffrage de leurs promesses. Sans compter, – nouvelle figure imposée – qu’ils auront même été invités à quasiment simuler la pratique du pouvoir, tout comme s’ils étaient déjà élus. Drôle de campagne, tout de même. Pleine de mots et de promesses, et, en même temps, tellement franco-française, tellement décalée au regard d’un monde devenu complexe, chargé de menaces nouvelles, et surtout, un monde dans lequel ne cessent de s’amenuiser les privilèges dont jouissait naguère la France, et qui lui garantissaient les marges de manœuvres nécessaires à la sauvegarde du « mode de vie français », c’est-à-dire du confort du plus grand nombre de la population. Dans les discours des candidats, rien ou presque n’aura été dit sur la recomposition des pôles d’influence sur la scène mondiale avec la montée en puissance des pays émergents ; rien sur les mécanismes nouveaux de la gestion des ressources naturelles et qui détermineront la répartition des richesses dans le monde à travers des protocoles inédits du commerce international dont les puissances occidentales ne seront plus ni les initiateurs, ni les ordonnateurs. Cette recomposition du monde produit déjà ses effets dans les pays tel que la France – la crise durable de l’emploi, notamment -, dont la prospérité reposait, depuis des siècles sur le « monde ancien » fondé sur la permanence de « l’inégalité des termes de l’échange ». Au moment où les termes de la prospérité sont en pleine mutation, à la manière de la tectonique des plaques, cette question cruciale, ce défi historique s’imposeront fatalement à l’élu des Français, en mai prochain. Les régimes successifs depuis quatre décennies en France ont choisi de masquer cette réalité à leurs concitoyens. L’énoncé de cette vérité ne saurait être indéfiniment différé par le prochain élu des Français en mai prochain.

Drôle de campagne… Tout avait pourtant bien commencé, avec les primaires socialistes qui auront agi comme la première séquence – « exercice démocratique fondateur » dixit Arnaud Montebourg – de cette saison de campagne électorale. François Hollande, le marathon man de cette saison – un an de campagne sans discontinuer – promettait de « réenchanter le rêve français »… Puis survint le temps du malaise, avec l’irruption dans la campagne des vieilles rengaines du Front national poursuivi sur ses terres par Nicolas Sarkozy qui n’hésita pas à déclarer que « la viande halal est l’une des préoccupations majeures des Français »… Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, avait promis, juste avant l’entrée en scène de son candidat, un « massacre à la tronçonneuse ». Très vite, en effet, avec Nicolas Sarkozy, la campagne fut empreinte des accents d’un duel sans merci, confondant compétition démocratique et combat de catch dans une foire aux vins. Cynisme, brutalité et mensonges au rendez-vous… Le bilan des cinq ans du président sortant ? Circulez, y a rien à voir ! Il y a cinq ans, il avait déjà fait au bon peuple français le coup de la « rupture »… avec son propre camp, contre Jacques Chirac dont il était pourtant le ministre… Une fois élu, il continuait de promettre la rupture avec tout, y compris avec la météo… Un confrère, fort inspiré, avait alors écrit que « s’il continue ainsi, il finira par intenter un procès à Dieu ». Aujourd’hui, sa campagne procède du même argument de vente : il faut oublier qu’il a gouverné durant les cinq années de son mandat. Alors, il promet, promet. Un éventail illimité de promesses, allant de la réforme de la constitution à la réforme du… permis de conduire. Cette fois, il promet la rupture avec les cinq années de sa présidence, promet un ordre nouveau… En somme, une rupture avec lui-même… De nouvelles promesses donc, trempées dans un logiciel étourdissant : propos anxiogènes, violence verbale inouïe, festival d’injures et de dénigrements relayés, comme autant d’« éléments de langage » par les bons soldats de l’UMP, tous dressés contre le seul adversaire désigné : François Hollande. Résultat : un candidat devenu insaisissable dans sa propre architecture verbale où s’entrechoquent et se bousculent tout et le contraire. Le candidat Sarkozy, ivre de sa personne, a, cette fois, abandonné ou dédaigné la chair des mots au profit de la seule sonorité des incantations de sa « plume » Henri Guaino.

Face à l’alternance qui se profile à l’horizon de cette présidentielle, le culte de la personnalité de Nicolas Sarkozy, devenu une culture politique au sein de l’UMP, a singulièrement émoussé la capacité de jugement des militants de son parti. Face à la densité, la force intérieure et la cohérence jamais démenties de François Hollande, face aussi à la « révélation » Jean-Luc Mélenchon, l’UMP a opté pour la hard strategy, le passage en force : exacerber les clivages, manier les ambigüités, diffuser la peur et l’inconfort, et promettre des lendemains périlleux en cas de défaite du seul homme qui a vu l’homme, à savoir Nicolas Sarkozy… La politique a fini de déserter la campagne du président sortant. Après avoir tout promis, un ultime argument : Ne changez rien, c’est la faute à la crise, on n’y peut rien. Le spectre de la guerre alimente le règne de ceux n’ont plus rien à offrir à ceux qui les élisent…

En dépit des mensonges, des outrances et même des injures à son encontre, François Hollande a poursuivi son chemin, proposant, dès le début et avant tous les autres, son projet présidentiel qu’il n’aura cessé de décliner tout au long de cette campagne. Et ce sont cette cohérence dans l’action, la sincérité de l’engagement, de même que la constance d’une vision portée à maturité qui détermineront le choix des électeurs. Au terme de cette campagne pour le premier tour du scrutin, il rappelle encore que son engagement se fonde sur « cette belle et utile synthèse entre l’idéal que nous devons servir et le rêve qui est devant nous ; la synthèse entre la radicalité que la colère exprime et la responsabilité que nous devons exercer pour le pays ; la synthèse entre la liberté que nous devons servir et l’égalité qui doit être, pour nous, la seule référence dans l’action publique ». C’est cette synthèse « entre le Socialisme et la République » qu’il s’engage à servir, car, dit-il, « à chaque instant, je veux que la parole et l’acte soient liés indissolublement ». Pour cela, ainsi que le recommandaient Jean Jaurès, puis François Mitterrand, il faut toujours « savoir s’écarter des deux périls qui menacent tout engagement : l’excès d’idéalisme qui fait perdre parfois la conscience des réalités, et l’excès d’opportunisme au nom d’une gestion qui ne peut pas servir un idéal ».

Ce rendez-vous électoral se présente, malgré tout, sous une rare configuration. Deux visions de la France, tranchées et exceptionnellement distinctes s’offrent aux électeurs. L’une, perçue comme triviale, voire roublarde, et surfaite; l’autre porteuse de sens, d’espérance et d’engagements, renouant avec le contrat social émanant de l’expression du suffrage universel. Le choix est rarement aussi limpide. Aux électeurs de choisir dans quelle France ils veulent vivre, celle qu’ils souhaitent laisser en héritage à leurs enfants, et aussi, le visage qui représentera leur pays, en tout lieu, y compris sur la scène internationale.

Nous voici donc à la veille du premier tour de cette présidentielle. Voici venu, pour les Français, le temps d’écrire un nouvel épisode de leur histoire nationale. Une question – privilège des démocraties -s’impose à l’heure de ce choix : à qui confier les clés d’une nation, afin de renouer pleinement avec le plus précieux : ce formidable sentiment d’un destin commun, doublé du désir et de la volonté enfin ravivés de construire, ensemble, au nom de l’éthique républicaine, un futur partagé ? Cette force collective qu’il s’agit de reconquérir, a entamé son chemin vers sa pleine manifestation, en imprimant son projet, comme une empreinte initiale dans cette campagne électorale : « Le changement, c’est maintenant ».

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