Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Danse avec les dingues

L’autre Amérique, celle qui ne pouvait concevoir qu’un Noir siège à la Maison Blanche, était restée, un temps, tétanisée par la victoire d’Obama. Une fois le choc digéré, cette Amérique s’est réveillée. Et montre de nouveau son visage. Hideux, haineux, viscéralement raciste. Dieu ne s’est pas arrêté en Alabama : le racisme est toujours vivant. Ordinaire, archaïque, débile. Son empire contre-attaque, libérant ses plus délirantes pulsions : sur les pancartes, Obama est peint en sorcier africain, un os en travers du nez, représenté en fourrure de singe, mangeant – accessoire de rigueur ! – une banane…

Sur les écrans de télévision ou dans des émissions de radio, prenant prétexte de la réforme sur l’assurance-santé d’Obama, les adversaires du président n’hésitent plus à désigner la couleur de sa peau comme la « source du mal ».
L’ancien président démocrate Jimmy Carter ne s’y est pas trompé, en déclarant il y a quelques jours : « Je vis dans le Sud, et j’ai vu le Sud faire beaucoup de chemin. Mais cette tendance raciste existe toujours et je pense qu’elle est remontée à la surface en raison d’un sentiment partagé par beaucoup de Blancs, pas seulement dans le Sud mais dans l’ensemble du pays, selon lequel les Afro-Américains ne sont pas qualifiés pour diriger ce grand pays.» Tout est dit. Un confrère américain estimait, en novembre dernier, que l’élection d’Obama offrait à son pays l’opportunité d’une « conversation nationale avec le racisme ».
Ce tête-à-tête conjuratoire de l’Amérique avec elle-même affiche à présent son bilan : tout a changé, et rien ne change au pays de l’Oncle Sam. Moins d’un an après l’accession d’un Noir à la Maison Blanche, le débat politique se réduit donc à la question raciale. Il faut se garder de sous-estimer la capacité de nuisance de l’irruption de tels sentiments, forcément irrationnels, dans le champ politique. Ces passions mauvaises, aujourd’hui déchaînées, pourraient s’amplifier durant le mandat du président noir. Et miner son élan. Déjà, on peut prévoir que cette question raciale, sera, une fois de plus, au rendez-vous de la prochaine présidentielle américaine, dans trois ans.
Pour espérer durer aux commandes de l’Etat, Obama devra donc multiplier des gages d’une « légitimité ethnique », en faire deux fois plus qu’un président américain blanc. En somme, « justifier sa place », à l’instar de tous les Noirs à travers le monde, minoritaires dans une société blanche. Pour gouverner, il sait maintenant qu’il devra s’appliquer à ajuster ses pas à chaque instant, dans cette danse engagée avec les plus fêlés de ses concitoyens.

(24 septembre 2009)

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