Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Victoires américaines

Ca y est… ou pas. A l’heure où vous lirez ces lignes, l’Amérique aura certainement voté. Aura élu son nouveau président pour les quatre prochaines années. Obama ou Mc Cain. Jamais, comme on l’a dit ici et partout, élection américaine n’aura suscité autant d’intérêt, de commentaires, d’attentes multiformes et d’interrogations.

Rien que pour cela, l’Amérique aura, au moins le temps d’une campagne, remporté une première « victoire » : sa « réhabilitation » dans les esprits, dans les cœurs même, monopolisant l’attention à travers le monde, produisant un élan et une tension universels, un intérêt international pour l’avenir américain dont le verdict des urnes sera l’homérique artisan. Cette campagne électorale a rétabli un lien « affectif » entre le monde et l’Amérique. America is back, donc…
Après cette élection, que donc restera-t-il de cette Amérique qui a produit, sous l’ère George W. Bush, les conditions de son propre isolement ? Cette Amérique qui a dressé contre elle les opinions qui se sont insurgé contre la menace d’un monde unipolaire, fruit de la politique de l’administration Bush, celle qui a réduit l’action politique à l’axiome primaire et mystificateur d’une « 
lutte du bien contre le mal ». Souvenons-nous : il y a un an, lorsqu’on demandait aux premiers supporters de Barack Obama la raison de leur engagement, une réponse revenait, comme une prière : « rendre l’Amérique à nouveau aimable aux yeux du monde ». La moitié de ce chemin semblait avoir été réalisée durant cette campagne électorale, par le canal d’un candidat « miraculeux » : Barack Obama. Restait à savoir si les urnes allait confirmer la victoire annoncée d’un homme qui, avant même d’être élu, était devenu le personnage le plus favorablement commenté à travers le monde. Avec un physique à susciter l’émoi chez les culs-serrés les plus acariâtres de l’Amérique dite profonde, des dons d’orateur à faire douter les tribuns les plus chevronnés du globe, un bagage culturel qui lui garantissait, en cas d’échec, le tapis rouge dans toutes les facultés subjuguées, Barack Obama s’est révélé au monde comme l’archétype de « l’idéal idéologique » des temps présents. Même si l’on pouvait déceler, par moment, dans les commentaires sur l’homme, un excès de « sympathie » aux contours ambigus : le candidat semble fasciner d’autant plus qu’il était… inattendu. Comme si tant de qualités chez un candidat flanqué, à la source, du « handicap racial » méritait, bien plus qu’un autre, l’expression la plus massive possible d’un soutien d’exception. Ce sentiment de sympathie aussi exceptionnel qu’ambigu aura agi comme une sorte de conjuration et « d’évacuation » des mauvaises consciences que le temps et l’histoire ont forgées. La question, têtue, qui aura dominé la campagne, posée au départ, et revenue hanter le corridor des urnes à la veille du scrutin, fut résumée en ces termes dans un excellent article de l’hebdomadaire français Marianne (11-17 octobre 2008) : « Obama peut-il perdre parce qu’il est noir ? ». Et de conclure ainsi : « Dans l’obscurité angoissante des isoloirs, qui l’emportera ? La tête ou le cœur ? Le cœur ou les entrailles ? Le conscient ou l’inconscient ? ».

L’enjeu de cette élection a du coup pris une dimension historique, à l’échelle mondiale : l’issue du scrutin allait donc révéler un diagnostic de l’état de la conscience collective américaine et du monde, l’état de santé universel sur « le rapport à la question raciale » comme disent les analystes politiques. Mais, in fine, Obama élu président des USA, on pourrait alors et enfin souhaiter que cette victoire d’une Amérique « redevenue aimable », fût simplement incarnée par un citoyen américain ordinaire, ayant réalisé un parcours d’exception, enfin affranchi – et d’autres avec lui – de ce regard que le monde n’a cessé de projeter sur sa personne : cette singularité réductrice de l’appartenance à un groupe ethnique.

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