Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Archives de Tag: Sénégal

Sénégal, Séquence délire

Ça y est. A trois mois de la prochaine présidentielle au Sénégal, la fronde entre le président sortant et l’opposition qui conteste cette candidature – en se référant aux textes de la Constitution – vire à la farce et à l’extravagance. L’étape avant l’incendie ? Dernière folie en date du président Abdoulaye Wade qui semble désormais s’inspirer de son ubuesque voisin de la Gambie : le 21 novembre dernier, il n’a pas hésité, dans le cadre d’un « séminaire », à inviter, à grands frais, une armada de juristes étrangers venus expliquer au bon peuple sénégalais, « la recevabilité » de sa candidature… On pourrait sourire de l’énormité du procédé, si l’on n’atteignait là le comble de l’affliction.

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Notes de vacances

Il me plaît de rappeler ici les propos de Jens Stoltenberg, Premier ministre de Norvège, après les attentats qui ont endeuillé son pays le 22 juillet dernier : « Les Norvégiens se défendront en montrant qu’ils n’ont pas peur… Il est tout à fait possible d’avoir une société ouverte, démocratique, accueillante, et en même temps d’avoir des mesures de sécurité et de ne pas être naïfs ». Pour le dirigeant norvégien, « les attentats ne remettront pas en cause notre idéal d’ouverture et de démocratie. Nous serons toujours une société attachée à ces valeurs… » A la double attaque qui a causé un profond et durable traumatisme dans le pays, Jens Stoltenberg souhaite que la Norvège réponde par « plus de démocratie, d’ouverture et de tolérance ». Paroles adressées aux Norvégiens, et au monde. Dix ans après les attentats du 11.09 aux États-Unis, et la proclamation de la « lutte internationale contre terrorisme », cette question : le visage du monde serait-il plus aimable de nos jours si, au lieu de sa « croisade contre le mal » en Irak, de la réduction des libertés publiques aux USA, le tout au nom de la « guerre des civilisations », George W. Bush avait réaffirmé le renforcement des libertés démocratiques, exalté les vertus du dialogue des civilisations et rappelé les idéaux de la fraternité universelle face à tous les tueurs de masse psychopathes que la planète héberge ?

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Le syndrome de l’opposant historique : Wade, Ggagbo, Olympio et les autres…

L’Afrique postindépendance a produit un homo politicus d’un genre particulier : l’opposant historique. C’est une variété spécifiquement africaine, et que le monde entier pourrait envier au continent. Il est d’ailleurs étonnant que, dans les études de sciences politiques, l’on n’ait pas encore songé à inclure un chapitre sur ce spécimen qui, pourtant, depuis cinquante ans, a joué sa partition, aussi constante que nécessaire, dans la conflictualité politique en Afrique. C’est là une lacune d’autant plus fâcheuse qu’il s’agit d’une espèce en voie de disparition.

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Impunité tarifée

Hissène Habré, ancien président du Tchad de 1982 à 1990, aujourd’hui en exil au Sénégal, sera-t-il jugé un jour pour les crimes dont il est accusé ? Contraint à la fuite après le coup d’Etat mené par son successeur Idriss Déby Itno, il coule des jours tranquilles sous les cieux sénégalais, affichant une parfaite sérénité en dépit des multiples plaintes déposées à son encontre auprès de la justice par ses anciennes victimes et une kyrielle d’ONG de défense des droits humains.

Il faut dire que cet ancien coupe-jarrets, tortionnaire patenté et expert en purification ethnique est inculpé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture. Sous son règne, 1208 personnes sont décédées en détention, et 12 321 personnes ont été victimes de traitements cruels et de violations diverses.

Après les premières plaintes déposées en 2000, le Sénégal s’était déclaré incompétent pour juger sur son territoire l’un des plus grands criminels de l’histoire récente. Cédant à la pression conjuguée des victimes, des ONG, de juristes africains et de l’Union africaine, le pouvoir sénégalais, prendra ensuite les dispositions nécessaires – matérielles et constitutionnelles – afin d’instruire le procès. Avant d’annoncer que son pays ne dispose des moyens financiers requis pour organiser la procédure, et de réclamer des institutions africaines et de l’Union européenne le décaissage des fonds nécessaires.

Un « blocage » qui offre opportunément une garantie supplémentaire de tranquillité pour le sieur Habré. Au grand dam des plaignants qui n’hésitent pas à accuser le Sénégal de « protéger l’impunité de Hissène Habré». Sentiment relayé par Alioune Tine, Président de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) basée à Dakar : « Le moment est venu de faire la lumière sur le jeu sordide du Sénégal qui consiste à poursuivre des manœuvres dilatoires depuis 9 ans afin d’éviter à Hissène Habré de comparaître devant la justice. Comment comprendre que l’Etat sénégalais continue à défier de façon hautaine la décision de l’UA et des Nations unies ?… »

Le 11 décembre dernier, des représentants de l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE) et du gouvernement sénégalais réunis à Dakar ont chiffré le budget nécessaire à la tenue du procès à… 18 milliards de FCfa (27,5 millions d’euros). Que ceux qui peuvent payer lèvent le doigt ! Le silence règne dans les rangs. Au vu de ce dernier rebondissement, l’on peut dire que le dossier Hissène Habré apporte une insigne contribution à l’épanouissement de la justice internationale, en instituant la comptabilité de l’impunité.

(14 décembre 2009)