Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Sénégal, Séquence délire

Ça y est. A trois mois de la prochaine présidentielle au Sénégal, la fronde entre le président sortant et l’opposition qui conteste cette candidature – en se référant aux textes de la Constitution – vire à la farce et à l’extravagance. L’étape avant l’incendie ? Dernière folie en date du président Abdoulaye Wade qui semble désormais s’inspirer de son ubuesque voisin de la Gambie : le 21 novembre dernier, il n’a pas hésité, dans le cadre d’un « séminaire », à inviter, à grands frais, une armada de juristes étrangers venus expliquer au bon peuple sénégalais, « la recevabilité » de sa candidature… On pourrait sourire de l’énormité du procédé, si l’on n’atteignait là le comble de l’affliction.

Parmi ces juristes invités à dire le droit en lieu et place des institutions sénégalaises habilitées, Charles Zorgbibe, juriste et historien français spécialiste des relations internationales, Michel de Guilenchmidt, haut fonctionnaire français, avocat au Barreau de Paris, Bernard Chantebout, professeur émérite de droit public à l’Université Paris V, Didier Maus, expert en droit constitutionnel, Jean-Yves de Cara, docteur d’État en droit public, Thurbert Baker, ancien Procureur général démocrate de l’État de Géorgie et président de l’Association des procureurs aux États-Unis, Dominique Chagnollaud docteur d’État en science politique, et l’inévitable Christine Dessouches désignée secrétaire de séance, amie de toujours de Wade, et retraitée de l’Agence de coopération culturelle et technique en France. Du beau monde. Un cercle de juristes mercenaire triés sur le volet, où l’expertise se confond allègrement aux plus haïssables intentions mercantiles…

Face à une population en colère, l’ultime argument du président sénégalais aura donc été cette mise en scène du pire aloi : l’arbitrage d’un « panel » de juristes étrangers qui, selon lui, devrait prévaloir sur toutes les décisions ultérieures de la juridiction souveraine du Sénégal, et surtout, sur la volonté de son peuple… Wade espère-t-il réellement, par cette pathétique pantalonnade, parvenir à « influencer le Conseil Constitutionnel qui devra trancher fin janvier sur la validité des candidatures », ainsi que s’interroge Macky Sall, ancien Premier ministre devenu opposant ? A force de toucher le fond, le clan Wade finira bien par trouver du pétrole…

L’opposition sénégalaise rejette les « conclusions » de ces acteurs du crépuscule, en dénonçant «  une farce, un cirque, une aberration…» Hélène Tine, la remarquable porte-parole de l’Alliance des forces du progrès (AFP, parti de l’opposant Moustapha Niasse), estime que ce séminaire était « une manière pour Wade de trouver une onction, une justification à son obsession à vouloir briguer un troisième mandat ». Pour sa part, le Parti socialiste met l’accent sur le gaspillage des deniers publics, en considérant les conclusions des juristes invités comme « une séance de restitution d’une réflexion commandée à des juristes nourris et logés sur les fonds du contribuable ». Vive réaction des opposants réunis au sein du Mouvement Tekki qui en appellent, plus que jamais, à « la mobilisation citoyenne pour s’opposer à cette candidature inconstitutionnelle ». Ce mouvement relève que « pendant deux jours, aux frais du contribuable sénégalais, des millions de francs Cfa ont été dépensés par le régime des Wade, un homme englué dans le mimétisme colonial, malgré son panafricanisme de façade, ce, pour que treize juristes et avocats d’affaires interprètent la Constitution de 2001 en faveur de sa candidature à l’élection présidentielle de février 2012 ».

Délire à tous les étages de la présidence sénégalaise. La honte est désormais consommée, inscrite en lettres majuscules dans l’itinéraire d’un homme dont le pedigree rejoint irrésistiblement la liste de tous ceux qui ont incarné, depuis cinquante ans en Afrique, la déraison au sommet des États. Au terme de ces aventures tant redoutées par les peuples : l’inexorable effondrement des pouvoirs pervertis. Plutôt que de se pencher sur la « recevabilité » de la candidature de Wade, les constitutionnalistes associés à cette aventure, transformés pour la cause en mercenaires d’un obscur juridisme, auraient pu tout autant démontrer, avec les arguments requis, la véritable nature de l’opération entreprise par le président sénégalais et ses affidés : la mise en œuvre méthodique d’un coup d’État qui aboutit, dans ce contexte, à une logique d’affrontement dont nul ne pourrait, à l’heure actuelle, évaluer les conséquences… Au lieu de cela, ces hommes de loi, si prompts à décerner par ailleurs des brevets de bonne conduite politique, ont pris le risque d’être assimilés aux acteurs d’un désordre annoncé. Acteurs identifiés d’une vulgaire association de malfaiteurs potentiels…

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