Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Notes de vacances

Il me plaît de rappeler ici les propos de Jens Stoltenberg, Premier ministre de Norvège, après les attentats qui ont endeuillé son pays le 22 juillet dernier : « Les Norvégiens se défendront en montrant qu’ils n’ont pas peur… Il est tout à fait possible d’avoir une société ouverte, démocratique, accueillante, et en même temps d’avoir des mesures de sécurité et de ne pas être naïfs ». Pour le dirigeant norvégien, « les attentats ne remettront pas en cause notre idéal d’ouverture et de démocratie. Nous serons toujours une société attachée à ces valeurs… » A la double attaque qui a causé un profond et durable traumatisme dans le pays, Jens Stoltenberg souhaite que la Norvège réponde par « plus de démocratie, d’ouverture et de tolérance ». Paroles adressées aux Norvégiens, et au monde. Dix ans après les attentats du 11.09 aux États-Unis, et la proclamation de la « lutte internationale contre terrorisme », cette question : le visage du monde serait-il plus aimable de nos jours si, au lieu de sa « croisade contre le mal » en Irak, de la réduction des libertés publiques aux USA, le tout au nom de la « guerre des civilisations », George W. Bush avait réaffirmé le renforcement des libertés démocratiques, exalté les vertus du dialogue des civilisations et rappelé les idéaux de la fraternité universelle face à tous les tueurs de masse psychopathes que la planète héberge ?

 

Question encore : le visage de l’Europe serait-il plus aimable si, au lieu du repli sur soi, du commerce de la peur, de la promotion de l’islamophobie et du rejet de l’étranger, certains pays d’Europe avaient choisi de montrer, encore et toujours, leur capacité à dépasser les pulsions primaires, à transcender l’accidentel pour réaffirmer l’éternité de leur attachement aux valeurs civilisatrices qui sont, à la fin de toutes choses, l’arme fatale à même de pulvériser tous les projets de destruction ? Aujourd’hui, les mouvements d’extrême-droite essaiment en Europe, et leurs ténébreux discours promettent des « temps nouveaux » sur des terres « ethniquement pures ». Faillite de l’idéal politique…

Face aux États en panne d’idéal, ces discours de la haine ordinaire fascinent comme l’on contemple la mort. En France où l’extrême-droite n’est pas -encore- aux affaires, c’est le pouvoir en place qui intègre dans son discours cette promesse des « temps nouveaux » suggérant, sans retenue, une France débarrassée des Roms (dont l’européanité est jugée douteuse), et de « l’immigration non-européenne ». Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant est devenu le ministre d’une France de l’enfermement, du repli sur soi, focalisant le débat national sur la seule question de l’immigration, alimentant jusqu’à plus soif les réflexes xénophobes sur le mode « La France a peur »… En France, le pouvoir a définitivement oublié qu’une nation qui a peur est une nation qui a renoncé à son idéal de grandeur. Quel est donc l’idéal français aujourd’hui ?

Choses vues pendant les vacances… Était-ce un rêve éveillé ? Un déplacement de l’espace-temps ? Une projection dans une autre dimension de l’existence ? Un film de fiction, simplement ? La France entière sollicitée durant trois pleines journées à s’associer à l’émoi de politiciens multipliant leurs commentaires et autres « réactions » devant les micros de journalistes, le ton grave et l’air catastrophé. Les mots étaient pesés, puis lâchés avec une tension propre aux grandes heures de l’Histoire. Un vent de tragédie soufflait sur l’Hexagone. Un séisme ? Une attaque atomique ? Une offensive finale de la grippe espagnole ? Une découverte massive de bébés congelés par des mamans maboules ? Le président de la République enlevé par un commando des Farc ?… Que nenni ! Rien de tout ça. La cause de ce tintouin de fin du monde ? Les déclarations d’Éva Joly, candidate à la présidentielle d’Europe Écologie-Les Verts… Des déclarations lâchées, ce 14 juillet, sur un trottoir, lors d’une manifestation bon enfant à la Place de la Bastille, dans une ambiance de pique-nique. Et qu’a-t-elle dit ? Qu’elle souhaiterait remplacer le défilé militaire du 14 Juillet par un défilé de citoyens. Malheureuse ! Émoi dans les officines politiciennes ! Réactions outrées de la classe politique – la droite en tête – qui rappelle les « valeurs » de la République qui semblent, à les entendre, se réduire à cette célébration, issue d’un autre âge, de la force militaire. Mais surtout, les propos d’Éva Joly déclenchèrent une véritable surenchère xénophobe, dont la palme revient au Premier ministre de France, François Fillon lui-même, qui souligna de vingt traits l’origine norvégienne d’Éva Joly présentée, soudain, par les plus hauts représentants de l’État, comme une française à part, « pas comme nous », pas assez imprégnée de la « culture française ». On croit rêver ? Non. La crise xénophobe ne s’embarrassant pas de précautions, François Fillon livre ces propos depuis la Côte d’Ivoire, lors d’une conférence de presse commune avec le président Alassane Ouattara, celui-là même dont la nationalité ivoirienne fut jugée un temps « douteuse » par ses adversaires, et qui fut considéré, depuis quinze ans, comme la victime expiatoire des pulsions xénophobes – au nom de l’ivoirité – dans son pays. Mais il faut dire que, dans sa pratique de la politique, le bon Fillon est un abonné au cynisme et aux dérapages calculés. N’avait-il pas déclaré, au début de cette année, que la guerre française au Cameroun – avec son lot d’abominations -, avant l’accession du pays à l’indépendance, était « une pure fiction » ? Est-ce donc ainsi que la France est aujourd’hui gouvernée ?

A part ça, il y a le cas Rama Yade. Bon… inutile d’épiloguer sur la question. Un ami m’a récemment confié sa désolation de voir les médias commettre avec la jeune femme « un délit de faciès à l’envers ». Et l’ami d’ajouter : « Je me suis efforcé de l’écouter durant toute une émission, et malgré ma meilleure volonté, ce fut le vide sidéral… » Et de conclure : « C’est comme si les médias se croyaient obligés de manifester à son égard cette sotte complaisance, à cause de la couleur de sa peau… » L’affaire se discute… mais quand même… Serait-elle devenue à elle seule le symbole du paradoxe français ? … J’étais littéralement atterré de la voir servir son commentaire sur le plateau d’I Télé, à propos de la fameuse déclaration de Madame Éva Joly. Elle n’aurait jamais dû s’émanciper de son mentor Nicolas Sarkozy… Auprès de lui, elle parvenait encore à faire illusion. Politiquement immature, Rama Yade est en passe de devenir l’incarnation du néant politique. Déjà, en l’écoutant s’exprimer, il y a cette étrange impression de regarder un poisson discourir dans un aquarium.

Pour finir, le prix de l’humour de l’année qui revient, sans conteste, à l’ancien despote tchadien Hissène Habré, réfugié depuis deux décennies au Sénégal. Harcelé par l’opinion internationale réclamant la tenue du procès contre ce tortionnaire patenté, le gouvernement sénégalais a finalement décidé de l’extrader vers son pays, avant de surseoir à cette décision, début juillet. Entre-temps, le tyran en exil avait multiplié des protestations, n’hésitant pas à affirmer que sa sécurité ne serait pas garantie dans son pays ! En cas d’extradition au Tchad, celui-là même qui avait, jadis, érigé le crime politique et la torture multiforme en système de gouvernement, craignait d’y subir… de mauvais traitements… On vit une époque formidable ! 

Une réponse à “Notes de vacances

  1. simon elharrar 30 juillet 2011 à 15 h 23 min

    bonjour, francis
    te voici polémiste …
    ça fait du bien, hein ?
    simon

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