Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Faillite française

L’information, amplement analysée dans la dernière livraison de l’hebdomadaire « Marianne », a été publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), En France, 6 millions de travailleurs, sur les 25 millions que compte le pays, perçoit un salaire égal ou inférieur à 750 euros ! Une information, « une bombe », selon Marianne « qui en dit plus long sur l’état de la société française que tous les grands discours »…

 

Dans ce pays, aujourd’hui classé parmi les plus chers au monde, où le logement est devenu inaccessible à la majorité des citoyens dans les grandes villes, du fait de la hausse vertigineuse du prix des loyers, dans cette France où le panier de la ménagère rétrécit au fil des saisons, une société à deux ou trois vitesses s’est tragiquement constituée, précipitant dans une zone grise les victimes d’une économie mortifère. A quelques mois de la prochaine présidentielle, aucun parti, pas un seul « grand » acteur politique n’aborde le sujet. La chose est ignorée, refoulée, soigneusement évitée… Comme si ces millions de Français n’existaient pas. Passés par pertes et profits. Une manière d’évitement de la part des responsables politiques qui explique leur impuissance face à une réalité à laquelle ils se sont résignés.

Les entreprises, renforcées dans leur cynisme par la toute-puissance de la galaxie financière, ont peu à peu anéanti la valeur travail. Dans les entreprises, les contrats précaires ont transformé l’offre de travail en aumônes accordées aux employés toujours anxieux à l’idée de pires lendemains… Une relation régressive s’est instaurée entre employés et travailleurs, comme à l’aurore de la révolution industrielle et du capitalisme familial… Le droit à travailler, et la juste rétribution de la production ont cédé la place au chantage à l’emploi… Ce que l’on craignait, il y a une vingtaine d’années, s’est donc produit. On mettait alors en garde les politiques – de droite comme de gauche – contre les conséquences futures du recul de l’État, de la cession progressive de leur pouvoir à la Bourse et de leur capitulation devant le capital financier devenu ce pouvoir unique ne relevant d’aucune élection, et donc sans autre obligation que le profit dont il se nourrit. Vingt ans après, le Veau d’or de l’ultralibéralisme omnipotent, célébré par les pouvoirs, des États-Unis à l’Europe, a bien produit les effets redoutés : l’exclusion sociale et l’impuissance des États sont consubstantielles à l’expansion et la survie de ce système financier qui ne souffre pas les contre-pouvoirs. Tout cela était dramatiquement prévisible, et nul ne peut dire qu’il ne le savait pas.

6 millions de « pauvres récurrents » en France ? Combien ailleurs ? Sans compter ceux qui ne parviennent pas à franchir les portes de l’emploi… Et pour l’heure, rien ne semble pouvoir enrayer cette funeste tendance. Imagine-t-on seulement que cette injustice systémique puisse être longtemps contenue, voire ignorée ? En d’autres temps antiques, on repoussait hors des villes et agglomérations les laissés-pour-compte de la société. Afin que leur présence ne gâche point le décor prestigieux de la cité des seigneurs. Aujourd’hui, cette zone grise est incluse, sans frontières visibles, dans le théâtre impénétrable de l’économie libérale mondialisée et le diktat des multinationales et autres entreprises assimilées. Ceux que les politiques libérales ont relégué dans l’arrière-cour de l’espace national en sont même arrivés à croire à la fatalité de ce système, se sentant coupables de n’avoir su « gagner » la place rêvée dans ce monde sans pitié.

Et si François Fillon, l’actuel Premier ministre français, avait finalement raison quand, dans un rare élan de lucidité, il déclarait en 2008 avoir « hérité d’un pays en faillite » ? A l’époque, il fut assommé de critiques par ceux qui lui signifiaient qu’un pays ne pouvait, par nature, être frappé de faillite… D’élection en élection, les politiques, transformés en hypnotiseurs, ignorent les zones grises de la misère, conséquence de leurs démissions et de leur impuissance consentie. Aux politiques de se rappeler, encore et encore, qu’il ne faut jamais parier sur le silence éternel des exclus tétanisés. Car c’est bien dans ces zones grises que naissent déjà, inexorablement, les futurs brasiers de la colère.

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