Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Le mur de Ben Ali

J’ai entendu quelques commentateurs avancer que la chute de Ben Ali en Tunisie agissait, pour les peuples arabes, comme la chute du Mur de Berlin ailleurs… Pourquoi pas ?… Cela m’amène à faire un point sur le fameux « effet domino » dont on parle sur toutes les ondes françaises. Un « effet domino » que pourrait produire la révolution tunisienne en Afrique et dans le monde arabe. Tout d’abord, l’observation et l’expérience des événements politiques nous ont appris qu’il n’existe pas de reproduction mécanique ou mimétique des faits en des lieux géographiques différents. Et ce, même si l’on observe des effets d’entraînement ou des mécanismes de déclenchement similaires… On l’a vu en Afrique subsaharienne. L’on avait cru à tort, avec le fameux « vent de l’Est » à la fin des années 80, que le processus de démocratisation allait produire les mêmes résultats sur l’ensemble de cette région, comme une onde de choc, dans un parcours logique et linéaire. Vingt ans après, le bilan montre l’extrême disparité des situations, due, principalement, à l’histoire politique spécifique et aux nuances territoriales et culturelles des différents pays.

Autre précision à propos de l’effet domino, sur l’ensemble de l’Afrique, de la révolution tunisienne. Ceux qui posent la question ainsi, se trompent en inversant la réalité historique. Les premières grandes révolutions démocratiques post-Guerre froide ont eu lieu en Afrique subsaharienne, et ce processus, même inachevé, est devenu irréversible dans la grande majorité de pays au sud du Sahara. En réalité, la question que les observateurs et autres analystes se posaient depuis vingt ans, était de savoir si ce « renouveau démocratique » n’allait pas se cantonner dans cette partie de l’Afrique, sans jamais franchir, vers le nord, la frontière de sable du Sahara. Certains n’ont pas hésité à affirmer, régulièrement, depuis vingt ans, que les pays arabes du Maghreb étaient imperméables à la démocratie. Raisons invoquées : ces sociétés seraient d’essence féodale, et les peuples seraient eux-mêmes, « par nature » attachés à une organisation hiérarchisée de la société fondée sur le primat de la force et la loi du commandeur. De plus, concluait-on, la démocratie ne serait pas soluble dans l’islam. Je pourrais décliner à l’infini toutes ces « analyses » énoncées depuis 20 ans sur cette soi-disant spécificité arabo-musulmane. Et il n’est pas hasardeux de dire que cette vision du monde arabe a conduit, récemment, nombre de pays à mésestimer les objectifs de la révolution qui s’est produite en Tunisie.

La vraie révolution aujourd’hui, est bien celle-ci : ce qui s’est produit dans nombre de pays africains – et souvent ignoré ou mal connu par les opinions extra-africaines – advient aussi, vingt ans après au Maghreb, comme un démenti cinglant à tous les chantres d’un improbable déterminisme. Ce que nous enseignent les événements de Tunisie, et, en ce moment même, d’Egypte, c’est bien ce que nous ne cessons de dire et répéter depuis des lustres : l’aspiration à la liberté, loin d’être un luxe pour une partie de la planète, est, irréductiblement, une donnée partagée par l’ensemble de l’humanité. Et les changements en cours en Afrique sub-saharienne depuis vingt ans, et aujourd’hui dans la région du Maghreb, est tout simplement et définitivement humain. Tous, nous devrons désormais nous y habituer.

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