Opinions, Humeurs et Géopolitique

Le blog de Francis Laloupo

Union africaine, Insoutenable faillite

Amer constat du discrédit profond qui frappe l’Union africaine. Jamais l’organisation n’avait subi une telle perte d’estime au sein des opinions africaines. C’en est proprement affligeant. Enlisée en Côte d’Ivoire, absente durant les événements historiques en Tunisie et en Égypte, incapable – comme tétanisée – de se prononcer sur la vague de contestations en cours dans le monde arabe, et enfin, totalement figée face au pire qui se déroule en Libye. Portée sur les fonts baptismaux à Syrte en 1999 à l’initiative du colonel Mouammar Kadhafi, l’UA vient peut-être de se faire hara-kiri, sans gloire, dans les sables du désert libyen.

 

Quoi d’étonnant, au fond ? Tout ceci est terriblement logique. Ce trépas politique était inscrit dans l’histoire, dans l’ADN de l’organisation. Le spectacle désespérant de son impuissance que l’UA expose actuellement au grand jour face aux événements cités plus haut, n’est que la manifestation et la tragique confirmation des contradictions initiales dont elle a fait son socle et son « originalité » depuis sa création.

Comment imaginer que cette organisation, composée d’États aux cultures politiques disparates et néanmoins dominée par des satrapes et autres rescapés patibulaires des partis uniques, puisse parvenir, comme elle l’a espéré, à s’ériger à terme en autorité morale à l’échelle d’un continent ? Comment peut-on imaginer que les connivences et les complicités que le temps a sédimentées entre les membres de ce « syndicat de chefs d’État » puissent produire autre chose que l’absence de courage politique, l’incapacité à fixer des convergences éthiques et à libérer les intelligences de certaines formes de contraintes, de démissions, d’indulgence coupable et autres considérations dites « conjoncturelles » ?

En somme, alors que l’on déplore aujourd’hui les silences, les absences et le manque de courage politique de l’UA, celle-ci se révèle simplement, telle qu’en elle-même : un projet bâclé, le résultat forcément inconfortable d’une somme de compromis sulfureux, un pis-aller pour une Afrique qui poursuit par ailleurs son chemin vers son visage pérenne. A ceux qui répondent à cela que l’UA reste « un processus en cours », il faut répondre désormais que, loin d’être un quelconque « processus », l’organisation dite panafricaine n’est que l’emblème d’un passé qui s’éloigne… C’est pour cela qu’elle ne dispose pas des outils nécessaires lui permettant d’agir pleinement et efficacement dans les crises qui ne sont, au fond, que les manifestations annonciatrices de temps nouveaux, en rupture avec la matrice de l’UA.

Parce qu’elle est génétiquement inapte à comprendre à quel point les populations africaines ne peuvent plus se reconnaître en elle, l’UA ne sera jamais devenue « la parole de l’Afrique ». Ne nous en plaignons pas. Ainsi découverte dans sa vérité par le plus grand nombre, elle épargne désormais aux Africains – à ce qui voulaient y croire, ne serait-ce qu’un peu encore – une illusion qui n’a que trop duré. Cette bonne nouvelle ouvre davantage les voies du possible à tous les citoyens qui, loin de ceux qui prétendent les représenter, construisent, discrètement et quotidiennement, des nouvelles formes de vie, faites d’utopies salvatrices pour le continent africain.

3 réponses à “Union africaine, Insoutenable faillite

  1. Abobolais 7 mars 2011 à 17 h 13 min

    Bravo pour votre post
    Il est tant d’arrêter cette mascarade qu’ait UA
    Quand on sait nos elites politiques confondent
    élections et démocratie pas étonnant pas que
    lorsqu’il s’agit de prend position pour les africains
    ils sont absents. Ils nous aiment tellement qu’ils sont
    prêt à nous tués pour arriver au pouvoir.

    • François FABREGAT 7 mars 2011 à 19 h 39 min

      Votre article cadre parfaitement les enjeux du moment.
      Je pense également que cette faillite de l’UA s’accompagne également de la faillite – a quelques exceptions près, celles qui confirment toujours la règle – tout aussi égale, de la majeure partie de la classe politique africaine. Car l’un ne va pas sans l’autre.
      L’actuelle U-A apporte bien la confirmation du surnom dont elle a été affublée au même titre que la CEDEAO ou l’UEMOA: « Syndicat des Chefs d’Etat africains ». De quelle légitimité en effet peuvent se prévaloir, la majorité des Chefs d’État qui siègent dans ses instances – en majeure partie des produits de la contre-vérité des Urnes – dès lors qu’il est nécessaire d’intervenir dans un différend post électoral, ou dans une partie de bras de fer sanglante comme en Libye actuellement ?
      D’ailleurs les combattants Libyens avec un courage qui force l’admiration, montrent bien qu’ils n’attendent pas grand-chose d’une communauté internationale qui a trop besoin du pétrole libyen livré par Kadhafi !
      Je partage ainsi votre conclusion.
      Les peuples de Tunisie et d’Égypte viennent bien de montrer comme vous le suggérez qu’il est possible d’ouvrir davantage les voies du possible. Ils l’ont fait seuls et n’ont pas eu besoin de « Sauveur suprême »! Mais surtout lorsque l’on observe attentivement l’actualité tunisienne et égyptienne les peuples ne semblent pas disposés pour l’instant à se laisser déposséder de leur révolution naissante et en devenir.
      Au moins les événements actuels nous indiquent que les États-Unis d’Afrique – sous l’estampille de Kadhafi – n’étaient pas autre chose que les « Dictatures et Autocraties Unies d’Afrique ».
      Alors Paix à l’UA et bon vent aux jeunes Peuples d’Afrique en face de leurs destins.

  2. simon elharrar 9 mars 2011 à 23 h 37 min

    Quelle communauté de pensée entre un habitant de Tunis et un habitant de Prétoria ?
    UA : Quel était le projet ? Où était la pensée ? Qui était le leader ? Et la croyance commune ?
    Je te trouve bien dur avec des politiciens qui ne sont que des politiciens, à l’image des perversions des pouvoirs et des dirigeants occidentaux, chacun ne cherchant qu’à préserver ses droits acquis.
    Finalement, ton coeur saigne et fait que ta pensée se révulse, Francis.
    Qui a jamais cru en l’UA dont les « maillons forts » ont été formés en Europe avant de reconstituer la structure tribale ethnique, réunissant les plus forts d’entre eux, qui osent se prévaloir, en lieu clos, de principes humanistes qui, de toutes manières, ne trouvent même plus à s’appliquer chez les blancs ?
    Voudrais-tu confondre Morale et Politique ? Déjà, dans la Grèce antique, ce n’était pas le cas …

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