L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a décidé, le lundi 31 octobre à Paris, de l’admission de la Palestine comme membre à part entière par 107 voix pour, 52 abstentions et 14 voix contre dont celles des États-Unis, de l’Allemagne et du Canada. Vives protestations d’Israël qui a annoncé « une riposte », notamment des sanctions visant l’Autorité palestinienne. Pour leur part, les États-Unis ont immédiatement mis leur menace à exécution en gelant le restant de leur contribution annuelle à l’Unesco, soit 60 millions de dollars sur les 80 millions (22% du budget) annuellement versés à l’organisation. On a pu noter à l’issue de la séance finale sur ce dossier, que ces réactions n’ont en rien émoussé l’enthousiasme et l’émotion des représentants des pays qui ont voté pour cette forme de reconnaissance de l’État de Palestine, qui intervient comme une réponse à la démarche effectuée, il y a quelques semaines par l’Autorité Palestinienne auprès de l’Onu, pour une admission de la Palestine en tant qu’État membre…
Une question simple, à poser sans détour : Israël veut-il réellement la création d’un État palestinien ? Non, évidemment. A preuve, l’addition de tous les obstacles érigés contre la concrétisation de ce projet, malgré les vœux pieux et les déclarations d’intentions dont la seule vertu est désormais de provoquer l’écœurement de l’opinion internationale. Avant de poursuivre tout débat sur la question, il faut définitivement prendre acte du fait que les autorités d’Israël n’accepteront et ne reconnaîtront jamais un État palestinien. Au grand jamais. Sauf, au forceps, à leurs conditions, c’est-à-dire un succédané d’État, une entité politique au rabais soumise à leur contrôle. En somme, le comble du protocole colonial.
Cette demande d’admission de la Palestine à l’Unesco renvoie à la résolution adoptée par l’Assemblée générale de l’Onu, le 13 septembre 2007, affirmant notamment que « tous les peuples contribuent à la diversité et à la richesse des civilisations et des cultures, qui constituent le patrimoine commun de l’humanité » La réaction d’Israël signifierait-elle une négation du peuple palestinien, et partant, de l’idée que « tout peuple a droit de se doter d’un État » ?
Pourquoi alors continuer à prêter le moindre intérêt aux déclarations de bonne volonté israélo-américaines, cette farandole de l’hypocrisie érigée en partition diplomatique, usée jusqu’à la corde, et qui, à terme, finira par ruiner, et pour de bon, ce qui reste de crédibilité à la diplomatie internationale, à savoir la gestion de l’autorité morale des États confiée à l’ordonnancement de l’Onu ? Le dossier israélo-palestinien, régenté par Israël et ses alliés occidentaux – les États-Unis en tête -, finira par tuer la plus grande idée initiée par les hommes, seule garantie contre la barbarie et la « décivilisation » : le respect des règles admises de tous, pour l’émergence d’abord, puis l’épanouissement, d’une morale internationale. Un monde imparfait certes, avançant avec l’utopie de devenir meilleur… Cette idée-là, malmenée, contestée, vilipendée, contournée ou combattue, n’a pourtant jamais cessé de progresser, de génération en génération, constamment menacée par ce péril têtu : l’injustice internationale, le côté obscur et tenace de la force commune des peuples…
A chaque tentative de résolution d’un conflit sur la planète, l’ombre du dossier israélo-palestinien surgit au centre de tous les débats contradictoires sur la « morale à géométrie variable »… Combien de fois n’a-t-on entendu les opinions objecter, notamment et récemment encore concernant l’intervention de l’Otan en Libye. Interrogation des opinions : « pourquoi tant d’énergie à défendre la cause des Libyens au nom de principes que vous êtes incapables d’imposer à Israël ? » Combien de fois, depuis des décennies, les opinions ont dû ravaler leur colère, à s’en étouffer, en rappelant encore et encore l’impunité étrangement accordée à cet Israël qui se trouve être le seul État au monde à mépriser les résolutions à lui imposées par l’Onu, sans jamais s’exposer à l’ire des grands de ce monde, ceux-là mêmes qui justifient l’adage selon lequel « la loi n’est pas faite pour ceux qui la font ». Ceux-là mêmes qui manient, au sein de l’inique Conseil de sécurité, l’extrême variabilité de la morale réclamée aux autres États, en faisant bénéficier à Israël de toutes les indulgences et dérogations ?
Au moment où l’Unesco se penchait sur le dossier de l’admission de la Palestine, un responsable israélien cité par le quotidien Haaretz, estimait qu’Israël pourrait réagir « en accélérant la construction dans les colonies » ou par la suspension du transfert des fonds qu’il collecte pour l’Autorité palestinienne sous forme d’impôts sur des produits transitant via ses ports ou aéroports vers la Cisjordanie et la bande de Gaza. Les dirigeants palestiniens sont également menacés de privation de visas spéciaux leur permettant de circuler librement en Israël…
S’agissant d’une demande de la Palestine à devenir membre d’une organisation à vocation scientifique et culturelle, on aurait espéré une réaction plus modérée, voire opportuniste, de la part d’Israël. Mieux, dans un contexte polémologique ordinaire – le désir de paix aidant – on se serait attendu, à tout le moins, à un consensus de toutes les parties sur cet épisode… en attendant les étapes futures, décisives pour la création d’un État palestinien. Eh bien non. Plutôt que cela, Israël, soutenu par son allié étatsunien, « prépare la riposte »… Manifestement, dans cette fuite en avant, l’État d’Israël, plongé dans ce cauchemar mortifère, n’est plus apte au recul pour en juger les funestes issues… Il est vrai qu’on ne peut être dans un rêve – ou dans un cauchemar – tout en le racontant…
Il existe une opinion détachée des passions qui alimentent cette tragédie et la folie singulière qui l’amplifie chaque jour. Cette opinion, spectatrice, devine sans effort l’intrigue et l’issue de cette pièce qui déploie ses sombres séquences jusqu’au bout de la nuit. Ces spectateurs que nous sommes face à ce drame sans fin – entretenu à dessein – n’en peuvent plus d’être les témoins de la plus vaste escroquerie de tous les temps. Celle qui a forgé un manichéisme primaire figeant indéfiniment les positions des uns et des autres engagés dans un débat absurde, au nom d’intérêts inavoués et d’une logique suicidaire. La raison ordinaire est devenue indésirable dans ce théâtre qui, peu à peu, confine à l’aberration et à l’extravagance.
Francis Laloupo
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et ben …
Ely Berrebi
Malheureusement l’autorité palestinienne et le gouvernement israélien ne veulent pas la paix. Les deux s’accommodent très bien de cet état de fait. Qu’en disent les peuples? Qu’a donc fait l’autorité palestinienne des milliards de dollars donnés à la cause palestinienne? Comme il n’y a que très peu de réponse j’en conclus qu’il vaut mieux que cela continue ainsi. Le Hamas continuera à (h)amasser et le Fatah à fa(n)tasmer ! Et pendant ce temps la droite israélienne continuera à bloquer toute situation. Mais rassurez-vous nos arrières-petits enfants continueront à en parler de cette situation. Cela évite de parler du Soudan ou de la Somalie.
quel art de l’esquive Monsieur Berrebi ! des réponses il y en a pour ceux qui acceptent d’écouter d’autres voix que la leur ..
Cet article a le mérite de la clarté et de la précision, bravo
Clarté et précision certes!
Mais alors on continue ainsi et on sacrifie des générations.
Ici et maintenant voila la véritable paix sans exclusion de l’autre M. Mardacci !