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J’ai pu noter à travers les nombreuses réactions à mon texte sur la situation libyenne, « Une si vieille rancune », des termes récurrents, tels que : impérialisme, atteinte à la souveraineté, arrogance et intérêts économiques de l’Occident. Permettez-moi ici une réponse « groupée » à ces réactions, en quelques points.
– Bien entendu, nous ne pensons pas, sans le moindre recul, qu’une intervention militaire internationale comme celle en cours actuellement en Libye, est simplement mue par un réflexe de charité internationale. Nous sommes nombreux, de ma génération, à avoir vécu, subi, analysé, décrypté et combattu les affres de la domination étrangère – y compris ses plus sournoises manifestations – sur notre continent, pour ne pas aujourd’hui observer, avec une entière lucidité et avec vigilance, la manière dont se nouent, dans le champ de la politique internationale, les nouveaux protocoles relationnels entre les États, entre ceux du Nord et du Sud.
– Partant du point précédent, la seule équation « impérialisme-dominés» ne peut servir de grille de lecture définitive à toutes les situations de confrontation entre nations du Nord et du Sud. A moins de vouloir réduire la lecture des événements à un manichéisme obtus. L’on a pu voir à travers l’histoire de l’Afrique, depuis cinq décennies, des dirigeants africains commettre les pires horreurs à l’encontre de leur peuple… au nom de la « lutte contre l’impérialisme ». Par exemple, les arrière-pensées de l’Occident, critiquant un Robert Mugabe, n’exonèrent pas, pour autant, ce dernier, du chaos auquel son régime a conduit le Zimbabwe… Le Maréchal Mobutu pouvait-il être absous de tous ses crimes, dès lors, qu’à la fin de son règne, il s’était mis à désigner « l’impérialisme » comme le responsable de tous les maux de l’Afrique ? D’autant qu’il fut, durant plus de trente ans, l’agent assermenté de cet Occident qui le considérait comme « le rempart contre le communisme » en Afrique centrale ! Les exemples sont légion et nous enseignent que la structuration des intérêts n’oppose pas mécaniquement Nord et Sud, Occident contre peuples opprimés… Plutôt, le schéma, plus complexe, révèle une communauté hétérogène – composée d’acteurs du Sud comme du Nord – dont les intérêts associés ont souvent été attentatoires aux droits élémentaires des peuples, ceux du sud singulièrement… Tout n’est donc pas tout noir, ou tout blanc… Ces contradictions de l’Histoire nous invitent à la nuance, à préférer la complexité à la simplification de la réflexion.
– S’agissant précisément de l’intervention militaire de la coalition internationale en Libye… Même en considérant les arrière-pensées des nations « occidentales », disons que la coïncidence, à un moment donné, entre ces « intérêts occidentaux » et l’appel au secours des Libyens aura permis de sauver ces derniers du péril diligenté par leur dirigeant. Même si l’émergence d’une « morale internationale » relève encore d’un processus inachevé, pourrait-on admettre que l’Onu se transforme en simple spectateur des malheurs du monde ? Fallait-il abandonner des êtres de chair et de sang à une soldatesque, à une armée assassine, sous prétexte de respecter je ne sais quelle « souveraineté » ? Il y a un temps pour déambuler dans les méandres du paradoxe intellectuel, un autre pour simplement se porter au secours d’un peuple en danger, voire le libérer de formes caractérisées d’oppression… Parmi ceux qui crient à « l’intervention impérialiste », il y en a – et j’en connais – qui, en d’autres circonstances, n’hésitent pas à s’exclamer « Mais que fait la communauté internationale ? », lorsque le vent souffle dans le sens contraire de leurs positions politiques… Opinions à géométrie variables sur cette « communauté internationale » dont la reconnaissance par les uns et les autres varie en fonction des opportunités politiciennes.
– Les notions d’impérialisme et de domination bougent, évoluent avec le temps et les générations d’acteurs, les rapports de force se transforment… Il y a un monde entre les actes impérialistes des années 60 et 70, et ce qui pourrait en être l’émanation aujourd’hui… Il me paraît également important de souligner à l’intention de ceux qui voient la main invisible d’improbables impérialismes, dans les crises en Côte d’Ivoire et en Libye singulièrement, le caractère hautement contre-productif de cette structure de pensée. A vu des mutations qui se sont opérées dans le monde – malgré tout ! – depuis trois décennies, on peut s’étonner que l’analyse des situations actuelles se réduise à de tels raccourcis. Désigner l’impérialisme, partout et en toutes circonstances, aboutit à une forme d’infantilisation des Africains, tout en dédouanant les acteurs africains de leurs responsabilités – et elles sont colossales -, et à laisser penser que, cinquante ans après les indépendances, les Africains se trouvent toujours incapables de maîtriser leurs destins dans un monde où pourtant de nombreuses brèches se sont ouvertes, permettant aux responsables africains d’exercer, de plus en plus, leur bargaining power (capacité de négociation).
– A propos de la souveraineté… Que signifie cette notion avec des dirigeants qui, repliés dans leur cercle de pouvoir, se sont souvent comportés comme des gardiens de comptoir coloniaux, davantage soucieux de remplir des obligations à l’égard de l’ex-puissance coloniale que de leur peuple ? Comment évaluer une souveraineté dont des pans entiers sont cédés par les dirigeants africains aux syndics de faillite de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), dans le seul but de masquer leur incurie et de sauvegarder leur trône ? Quel est le sens de la souveraineté pour un peuple face à ses gouvernements qui se transmuent en associations de malfaiteurs ? Quelle valeur ces dirigeants accordent-ils à la souveraineté de leur pays, lorsqu’ils font de la dépendance à l’égard de l’aide économique étrangère une culture de gouvernement, une donnée ordinaire de la vie nationale ?… Ce sont les mêmes qui, les premiers, crieront à « l’ingérence étrangère » dès lors que leurs régimes seront dénoncés par les donateurs désormais désignés « impérialistes » …
– Pour finir, un mot sur les « intérêts financiers cachés » des puissances occidentales… Oui, la politique internationale est plus marquée que jamais par le référentiel économique. Et ce n’est pas, en soi, une mauvaise nouvelle. Cela signifie que les paramètres économiques ont supplanté la raison politique… Sur ce terrain-là, le jeu est plus ouvert qu’autrefois. Les rapports de forces sont fondés, aujourd’hui plus qu’hier, sur la capacité de négociation des États du Sud comme du Nord. Cela requiert, de la part des dirigeants, du talent, un engagement accru envers leur pays et leurs concitoyens, et… des vertus politiques. Et, pour maximiser leurs chances de résultats dans ce nouveau cercle du jeu planétaire, il leur faut, avant tout, fonder le « bon droit » de leur pays sur des valeurs morales et politiques partagées par un peuple dont ils sont l’incarnation et les émissaires légitimes aux yeux du monde. La souveraineté n’est ni une donnée figée et abstraite, moins encore une incantation. Elle est une conception active de la vie des nations.
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L’analyse de la situation Libyenne me laisse perplexe. Faut-il conclure aujourd’hui qu’il est préférable pour un peuple de se faire bombarder avec des armes qui non seulement tuent les gémérations présentes mais en plus empoisonnent les génération future. Les pays occidentaux ont pris le Sud pour leurs poubelles. Quoi de mieux que d’aller se débarrasser de ses bombes à uranium appauvrie sur des États sans défense. Quel sera le prochain? Il y aura toujours des raisons macabres pour justifier une guerre « juste ». Personnellement, je pense qu’il serait temps que l’occident se fasse bombarder pour au moins avoir un avant goût de la terreur et du malheur qu’il prend plaisir à semer à travers le monde. Quant à Kadafi, ce qui est plus qu’étrange, c’est qu’en entendant ses discours sur la réalité du diktat mondial qui est loin d’être une morale internationale, l’occident ne peut que se sentir attaquer car il faut bien le reconnaître mais même les intellectuels d’aujourd’hui ne peuvent plus se permettre de parler de la réalité des rapports Nord-Sud et vous en êtes un exemple flagrant. Qu’en est-il des médias-mensonges pour justifier de l’agression contre l’Irak et l’Afghanistan. Pas un Mot, seriez-vous à ce point amnésique?
Merci d’évoquer l’Irak et l’Afghanistan. Amnésie ? Oh que non ! Je fus de ceux qui, dans la presse écrite, à la radio et la télévision, et ailleurs encore, ont abondamment et constamment dénoncé la « lutte du bien contre le mal » de Georges Bush. Cette désastreuse aventure a entraîné un sévère discrédit de l’ONU, et donc de ce que des hommes – du Nord comme du Sud – tentent de construire depuis des années : un ordre le plus juste possible, davantage d’équité dans le champ des relations internationales, et… une morale internationale avec des règles respectées de tous. Utopie nécessaire. A moins de vouloir définitivement désespérer d’un avenir meilleur pour les générations à venir. Toutefois, convoquer les erreurs du passé pour juger les situations présentes comporte un risque : le règne du relativisme et l’accoutumance à la confusion de la pensée. Nous sommes un certains nombre à refuser de nous résigner à cette impasse.
Francis Laloupo
Donc il ne faut plus apprendre du passé et construire un nouvel avenir basé sur une morale douteuse et qui justifie aujourd’hui d’aller bombarder, la Syrie, le Brahein, le Yemen et pourquoi pas Israël. Mais que dis-je, cette morale est d’une lâcheté qui donne rebute, puisqu’il ne faut bombarder que les pays ne pouvant pas répondre, n’est-ce pas. Et pourquoi pas bombarder les USA, après tout les génocides commis sur les générations présentes et futures. Laisser des pays définir une morale lorsqu’ils n’en ont pas eux-même c’est affligeant. Quant à l’ONU, vous avez le mérite de vouloir donner une légitimité à une organisation qui n’en a aucune et qui souffre de déformations congénitales. Une organisation qui a été créé sur la base que seuls les pays vainqueurs pouvaient prétendre à un respect des droits de l’homme et qui considérait mes grands-parents comme des animaux. Aujourd’hui comme hier, l’ONU n’est qu’une mascarade servant à légitimer cette soit disant morale qui consiste à se comporter comme des barbares vis à vis des populations démunies et sans voix. Il est vrai que le passé n’est que perte de temps lorsqu’il s’agit d’analyser le présent. La propagande est et sera toujours du côté des plus puissants. Venir me libérer en déchiquetant ma chair et mon sang et en empoisonnant mes descendants, quelle morale !!!!
En ce qui concerne votre approche de l’aspect économique, sachez que de nombreuses courts occidentales exonèrent les sociétés transnationales de respecter les droits humains. Votre morale internationale que vous défendez à travers l’économique fait peur. Aujourd’hui les multinationales n’ont plus besoin de gouvernements corrompus, elles ont carte blanche pour engager des milices privées et transformer le reste de la planète en esclaves avec la bénédiction des courts occidentales. Quel beau futur.
The judgment also confirmed that the Toronto Stock Exchange is under no legal duty to consider human rights records when deciding whether to list corporations on its stock exchange, even in cases where the TSX has been informed of past violence caused by the corporation.
MARCH 14, 2011 – On Friday, March 11, 2011, the Court of Appeal for Ontario dismissed an appeal by Ecuadorian campasinos who say they were assaulted by security forces hired on behalf of a Canadian mining company in their native Ecuador.
Marcia Ramírez, Polivio Peréz and Israel Peréz had sued Canadian mining company Copper Mesa Mining Corporation and two of its directors as well as the Toronto Stock Exchange, which the Ecuadorians say listed the mining company on its stock exchange after having been warned that money from the listing would lead to violence. Ramírez, Peréz and Peréz had appealed an earlier decision that dismissed their lawsuit.
Cliquer pour accéder à 2011ONCA0191.pdf
In the ruling, the Court recognized that “[t]he threats and assaults alleged by the plaintiffs are serious wrongs. Nothing in these reasons should be taken as undermining the plaintiffs’ rights to seek appropriate redress for those wrongs”, but nonetheless ruled against the Ecuadorians.
Pouvez-vous me dire pourquoi l’ETA est une organisation terroriste et pas les rebelles libyens, qui, je vous le rappelle, ne constituent pas la majorité des Libyens? Les membres de l’ETA n’ont-ils pas de revendications de liberté et d’autonomie? Pourquoi la soi-disant Communauté internationaltionale n’intervient-elle pas dans ce conflit qui l’oppose à l’Espagne? Cette liberté n’est-elle bonne que pour ces pauvres Libyens qui subiront les conséquences de cette guerre pendant de longues années? Je crois savoir que les membres en armes de l’ETA sont tués sans autre forme de procès par les gouvernements français et espagnol. Il faudrait également armer l’ETA afin qu’elle puisse se battre à armes égales avec ces deux gouvernements! Pathétique!
La gomme arabique est essentiellement produite au Soudan : ailleurs, le climat ne s’y prête pas.
Le Soudan était la base active et arrière d’Al Qaïda dans les années 90.
Il fut donc décrété un embargo sur le Soudan (entrées et sorties) qui a participé aux famines qui s’en sont suivies.
Qui alors s’est inquiété des soudanais … ?
Le Coca-Cola contient dans sa formulation (toujours secrète) de la gomme arabique.
L’embargo fut total sauf pour … la gomme arabique.
Il est amusant d’imaginer que chaque cannette de soda bue renforçait alors le saoudien (sic)
S’il fallait démontrer que la puissance économique et financière a toujours pris le pas sur les actions humanistes et la morale simple : C.Q.F.D.
Je ne crois pas une seule seconde qu’une coalition se soit formée dans le seul but de sauver les tribus de l’est libyen, mais tant mieux si, bénéfice collatéral, des vies sont épargnées.
Dans ta réponse groupée, un lapsus calami (hihihi) : « notre continent »
Heureusement, tes lecteurs sont humanistes et souples.